
Un nouveau report et des étincelles dans le secteur de l’énergie. Alors que la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) va de renvoi en renvoi depuis plus de deux ans, le premier ministre François Bayrou a annoncé lundi 28 avril, devant les députés, surseoir à nouveau à sa promulgation.
Pourtant rendu obligatoire par la loi pour fixer les orientations stratégiques de la production d’énergie des dix prochaines années, le texte devra attendre. Le gouvernement a en effet annoncé créer un groupe de travail pour proposer une « une version améliorée et corrigée de notre prochaine PPE ». Un nouveau caillou dans la chaussure du secteur de l’énergie, dont nombre d’activités dépendent de la publication de ce document stratégique.
« Pour nous, ce report est très préoccupant. On attend cette programmation pluriannuelle depuis quasiment trois ans, elle nous est indispensable dans la filière des énergies renouvelables pour nous fixer des objectifs et lancer des appels d’offres. Ce report génère beaucoup d’incertitudes », regrette Alexandre Roesch, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables.
« Doubler le parc éolien (serait) une absurdité économique »
En particulier, ce nouveau retard dans la promulgation de la feuille de route des objectifs énergétiques des dix prochaines années risque de mettre à mal les différents acteurs de la filière des éoliennes en mer. « Un grand appel d’offres s’apprête à être lancé sur plusieurs façades maritimes, or la PPE en vigueur aujourd’hui ne permet pas de le mener à bien. Nous sommes dans une situation de blocage. Il y a quatre usines en France qui produisent des pâles, nacelles et sous-stations. Leurs commandes ne dépendent pas toutes de la France, mais elles attendent beaucoup de ce projet », ajoute le spécialiste.
Malgré l’urgence pour le secteur de l’énergie, le gouvernement s’est heurté à la vive opposition d’une partie de la droite et de l’extrême droite – qui a même agité le spectre de la censure – à son projet de promulguer la programmation pluriannuelle par décret, plutôt que via une loi débattue au Parlement. Acculé par les critiques, le premier ministre a finalement consenti à convoquer un débat consultatif lundi 28 avril à l’Assemblée nationale, sans vote, pour recueillir les avis des élus sur la PPE.
Les réprobations de la part de l’extrême droite et de la droite n’ont guère été mesurées. « Nous refusons que vous couvriez la France de panneaux solaires chinois et que vous la défiguriez avec des éoliennes », a lancé Jean-Philippe Tanguy, député du Rassemblement national. La diatribe a été appuyée par la députée « Les Républicains » Justine Gruet. « Doubler le parc éolien (serait) une absurdité économique », a-t-elle tancé.
Baisser la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique
La publication de la PPE est ainsi temporisée à la fin de l’été au plus tôt, promet François Bayrou, après l’examen d’une autre proposition de loi soutenue par le député LR Daniel Gremillet. Celle-ci, en dessinant les contours d’un mix énergétique à horizon 2050, vise à réduire la part des énergies renouvelables au profit d’une importante relance du nucléaire.
La proposition de loi prévoit ainsi d’abaisser l’objectif de 40 % de la part d’énergies renouvelables à 33 %, et de lancer la mise en fonctionnement de 14 nouveaux EPR au lieu des 6 prévus par EDF. La proposition a été adoptée au Sénat en octobre dernier et doit être examinée à l’Assemblée nationale le 16 juin prochain.
La PPE dessinée par le gouvernement, dévoilée par Bercy l’an dernier, comptait au contraire mettre le paquet sur le solaire et l’éolien, pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Selon cette ébauche de la feuille de route, l’électricité photovoltaïque aurait été multipliée par cinq, et celle de l’éolien terrestre aurait été doublée. Face aux pressions politiques, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique pourrait encore être amenuisée, alors même que le Haut Conseil pour le climat interroge la cohérence de la PPE pour atteindre les objectifs climatiques de la France.
La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030 n’atteint « que 35 % au lieu des 44 % recommandés par la Commission européenne pour la France », relève notamment l’organisme. La perspective n’a rien pour rassurer les professionnels du secteur des énergies renouvelables. « On ne parle pas seulement d’un report, mais d’un report corrigé, ce qui laisse entendre que la copie initiale était mauvaise. Cela annonce-t-il une nouvelle phase où l’ambition pour les énergies renouvelables serait réduite ? C’est possible », redoute Alexandre Roesch.
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Auteur : Marie Toulgoat
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