L’euro qui décolle face au dollar, une bonne nouvelle pour la France ?


Lors de l’investiture de Donald Trump le 20 janvier dernier, 1 euro valait 1,04 dollar. Deux mois plus tard, le 25 avril, il en pèse 1,14. Depuis que le milliardaire occupe à nouveau la Maison-Blanche, la monnaie américaine se déprécie, ce qui entraîne par ricochet un envol de l’euro. Tant mieux pour vous si vous avez prévu quelques jours à New York ces prochains jours. Mais c’est anecdotique, voyons plus loin : est-ce une bonne nouvelle pour la France ? Pas si simple de trancher.

Des importations moins chères

Dans un autre contexte, l’analyse serait rapide et cet article serait déjà terminé : une monnaie qui s’apprécie, autrement dit qui pèse de plus en plus par rapport aux autres monnaies, témoigne d’une économie forte et d’un pays en croissance. Emballé, c’est pesé, merci de nous avoir lu.

Mais dans le cas présent, il s’agit moins d’une appréciation de l’euro que d’une dépréciation du dollar. En gros, « l’envol de l’euro n’est dû en rien à la France, et ne dit donc rien sur sa situation », explique Urszula Szczerbowicz, professeur associé d’économie à la Skema Business School et spécialiste en économie internationale. L’économie tricolore est en réalité moribonde : le FMI et la Banque de France ont baissé leurs perspectives de croissance à seulement 0.6 % pour 2025.

Point positif toutefois de cette « vraie-fausse » appréciation de l’euro : « on paie moins cher nos importations en dollars, et tout particulièrement le pétrole », estime Henri Sterdyniak, économiste spécialiste de la mondialisation à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Or, le billet vert restant la monnaie de référence mondiale, les échanges avec de nombreux pays – et pas seulement les Etats-Unis – se font avec. Bonne nouvelle pour les automobilistes et le pouvoir d’achat des ménages.

Plus de dette et une inflation trop basse ?

On peut donc parler d’une baisse du coût de la vie en France et d’une réduction de l’inflation ? Pas si vite ! Pour Urszula Szczerbowicz, la donne se complique déjà. En mars, l’inflation était en France de 1,3 % sur un an, comme en février. Un niveau bas, voire trop bas. Car pour qu’une économie tourne bien, on considère que l’inflation doit avoisiner 2 %. C’est ce qui permet de lancer, dans un monde idéal, la courbe infinie du « hausse des prix = hausse des salaires = tout le monde est content ». Or, « avec une inflation déjà si faible et une croissance au ralenti, ce n’est pas une bonne chose de voir encore les prix baisser ». Et cela dépend de l’échelle à laquelle on se place : une bonne nouvelle pour le consommateur peut en être une mauvaise pour la Banque centrale européenne.

Ce n’est pas bon non plus pour notre dette, le grand sujet politico-économique du moment. « Avec l’appréciation de l’euro, on peut payer plus de choses en euros. Donc, en valeur relative, notre dette est plus conséquente », explique Urszula Szczerbowicz.

Moins capable de lutter face aux produits américains ?

Mais revenons à la comparaison dollar/euro… Ces dernières semaines, la production en dollars revient moins cher que celle faite en euros. Conséquence : les entreprises du Vieux Continent perdent en compétitivité sur le marché mondial, particulièrement face aux entreprises américaines, appuie Henri Sterdyniak : « C’est la raison de Trump pour faire baisser le dollar. Il veut être plus compétitif ». Le président américain vit en effet très mal le fait d’avoir une balance commerciale négative (avec des exportations inférieures aux importations). Moins chers seront les produits américains, plus ils auront de chance d’être exportés. Urszula Szczerbowicz complète : « En 2014, il a été montré qu’une appréciation de l’euro de 10 % entraîne une diminution des exportations de 6 %. »

Petit espoir tout de même pour l’Europe… Donald Trump lui-même. Selon Henri Sterdyniak, « les entreprises américaines ne savent pas sur quel pied danser avec la politique économique sans cesse changeante du président. Du coup, elles ne peuvent pas pleinement exploiter la dépréciation du dollar. » Encore un flou. Mais avec Trump, on est habitués.



Aller à la source