Un speed dating pour matcher teufeurs techno et syndicats

Bobigny (Seine-Saint-Denis), reportage

Lunettes de soleil aux verres rouges sur le nez et mégaphone recouvert de strass à la main, Maxime, membre du collectif d’« artivistes » Le Bruit qui court et « love coach » d’un genre bien particulier, pose plusieurs questions à la quarantaine de personnes assises devant lui. « Combien de salariés du privé sont syndiqués ? C’est une bonne réponse à ma droite : seulement 8 % ! » hurle le jeune homme de 28 ans, animateur le temps d’un après-midi de ce « speed dating syndical » plein d’humour, de bières et de politique.

Nous sommes le 26 avril à la Prairie du canal de Bobigny et, dans le cadre de leur teuf militante Sueur sociale, Le Bruit qui court et Planète Boum Boum (membre d’Action Justice Climat, ex-Alternatiba Paris) ont tenu à convier plusieurs syndicats (CGT, FSU, Solidaires…). Le but : que leurs représentants puissent échanger avec le public venu danser sur de la techno et, au passage, enregistrer un maximum d’adhésions à l’approche du 1er mai et de la fête internationale des travailleurs.


Lors du «  speed dating syndical  », le 26 avril 2025.
© Cyril Zannettacci / Reporterre

« Ce speed dating décalé s’inscrit dans notre démarche de mélanger fête, musique et politique. À l’heure où l’extrême droite et le capitalisme essaient de bâtir une fausse opposition entre les écolos et les syndicats, il est important de faire des liens entre nos organisations », dit Rémi, membre de Planète Boum Boum, pointant au passage le faible taux de syndicalisation en France, en particulier chez les jeunes de moins de 30 ans (2,7 %).

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Différents syndicats de gauche et écologistes étaient présents.
© Cyril Zannettacci / Reporterre

Cheval de Troie

Cela tombe bien : parmi les quelque 1 300 personnes ayant acheté un billet pour cette Sueur sociale, la grande majorité est dans la fleur de l’âge. En conséquence, sous l’auvent décoré d’affiches en forme de cœur abritant le speed dating, les participants sont pour la plupart dans leur vingtaine ou trentaine.

Loren, 30 ans et employée d’une entreprise dans le domaine des mines, échange par exemple avec Anne, représentante du syndicat Printemps écologique. « J’ai envie de connaître mes droits en tant que travailleuse », lance la première, tandis que la seconde lui répond tout sourire : « Je pense que tu es mûre pour adhérer à un syndicat ! »

À l’issue de sa discussion avec la jeune femme, qui « matchera » finalement avec la CGT Ingés Cadres Techs, Anne se fait une joie d’être présente à cet événement porté par des mouvements de la société civile : « Nous avons un objectif commun, plus de justice sociale et environnementale. Dans le contexte actuel de bascule vers l’extrême droite, il est essentiel que les gens adhèrent aux syndicats afin de donner de la force à ces structures qui sont un véritable contre-pouvoir. »

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Quelque 1 300 personnes ont participé au speed dating, organisé à la Prairie du canal, à Bobigny.
© Cyril Zannettacci / Reporterre

Si à l’image de Judicaëlle, 31 ans, certains participants se sont déplacés spécialement pour le speed dating« Cela faisait longtemps que je voulais me syndiquer pour me sentir moins impuissante », dit la réalisatrice de documentaires, qui a laissé son contact à la CGT Spectacle —, d’autres, comme Axel, sont venus uniquement pour teufer.

Alors qu’il se dirigeait vers le bar, l’ingénieur informatique de 28 ans est tombé par hasard sur le stand et a fortiori sur Agathe, secrétaire générale adjointe de la CGT Ingés Cadres Techs. « Je vais y adhérer ! » lui lance-t-il, tout en notant ses coordonnées sur un formulaire.

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Mathilde Caillard, alias MC danse pour le climat.
© Cyril Zannettacci / Reporterre

« Cela fait partie de la stratégie “cheval de Troie” que l’on a avec Planète Boum Boum pour toucher de nouveaux publics : que des gens viennent faire la fête avec nous et, dans le même temps, soient exposés à un discours politique qui plante une graine dans leur esprit », explique Mathilde Caillard, aka MC danse pour le climat, qui arbore ce jour-là l’iconique casquette à strass de la CGT.

Elle-même compte adhérer à un syndicat d’ici la fin de la session : « Même dans nos milieux engagés, nous ne sommes pas forcément syndiqués, alors que c’est un levier hyper important pour nous donner de la force et améliorer nos conditions de vie. » D’après les organisateurs, à la fin de la journée, 150 personnes avaient trouvé l’amour (syndical ; mais, en ces temps sombres, c’est déjà pas si mal).




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