
À fond la casse. Cette semaine, la présidente de Vert revient sur le lancement de l’exploitation minière des fonds marins par Donald Trump. Une décision aux enjeux énormes, qui risque d’aggraver encore un peu le dérèglement du climat. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 30 avril 2025.
Mathieu Vidard : Juliette, vous nous parlez des fonds marins. Que se passe-t-il là-bas ?
Cela fait 100 jours que Donald Trump est de retour au pouvoir et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il enchaîne les dingueries.
Vous vous rappelez, ces dernières semaines, il a interdit certains mots comme «Femme» ou «Diversité» dans les communications officielles et la recherche ; il a rebaptisé le golfe du Mexique en «golfe de l’Amérique» ; et il a même suggéré de transformer la bande de Gaza en resort de luxe pour ultra-riches. Maintenant, il s’attaque… au plancher de l’océan.
Le 24 avril, il a signé un décret pour accélérer l’octroi de permis permettant d’explorer – et surtout d’exploiter –, les métaux rares que l’on trouve dans les eaux à plus de 1 000 mètres de profondeur. En clair : l’exploitation minière des fonds marins – que l’on appelle deep sea mining – pourrait commencer très bientôt.
Qu’est-ce que changerait ce décret signé par Donald Trump ?
Jusqu’ici, on était encore dans la phase d’observation. Les États-Unis, le Japon ou encore les îles Cook regardent déjà ce qu’il se passe dans les abysses, mais sans creuser. Début 2024, la Norvège a bien essayé de se lancer dans l’exploitation, mais elle a vite fait machine arrière sous la pression citoyenne.
Trump, lui, lance l’exploitation industrielle à grande échelle. La Maison-Blanche parle carrément de collecter un milliard de tonnes de matériaux en dix ans, de créer 100 000 emplois et de générer 300 milliards de dollars de revenus. Rien que ça.
Concrètement, ça veut dire qu’on pourrait bientôt voir débarquer dans les océans des machines gigantesques – imaginez une moissonneuse-batteuse croisée avec un aspirateur géant – qui vont racler les fonds marins à la recherche de nodules.
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Les nodules polymétalliques, ce sont ces petits galets plein de métaux ultra-prisés comme le nickel, le cobalt ou le cuivre, qui servent à fabriquer, entre autres, les batteries que l’on retrouve dans nos téléphones et nos voitures électriques.
Le plus fou, c’est que le décret de Trump autorise aussi l’exploitation dans les eaux internationales – qui recouvrent deux tiers de la surface de la planète. Sauf que, là, on entre dans une zone grise. Parce que cette décision remet en cause le rôle de l’Autorité internationale des fonds marins, la seule instance censée gérer la haute mer. Et ça, ça ne passe pas. Olivier Poivre-d’Arvor, l’ambassadeur français pour les pôles et les océans, est très clair : «Personne ne peut s’arroger le droit de détruire les océans.»
De son côté, la France fait partie des 32 pays qui soutiennent un moratoire, c’est-à-dire une pause totale, sur ce genre d’exploitation. Le problème, c’est que la communauté internationale n’a pas beaucoup de leviers pour empêcher ce genre de coup de force.
Qu’en pensent les scientifiques ?
Ils sont inquiets. Très inquiets, même. Cela fait des années qu’ils tirent la sonnette d’alarme, parce que, en réalité, on ne connaît presque rien des abysses. On a très peu de données, et certainement pas assez pour comprendre ce qu’impliquerait une exploitation industrielle à grande échelle.
Pourtant, les enjeux sont énormes. Le fond des océans, ce n’est pas juste du sable et des cailloux : c’est un sanctuaire de biodiversité, et un immense puits de carbone. Du carbone qui serait libéré dans des quantités titanesques si on venait à remuer le plancher océanique. Y toucher, ce serait prendre le risque de dérégler encore un peu plus le climat. Comme si on avait besoin de ça en ce moment…
Du côté des ONG, c’est la stupeur. Anne-Sophie Roux, militante pour les océans, a bien résumé la situation dans un article que vous pouvez lire sur Vert. Elle dit : «Si on laisse faire, on risque de transformer la haute mer en Far West».
Hier, avec l’activiste Camille Étienne, elles ont lancé une grande mobilisation pour tenter de bloquer le projet porté par la compagnie canadienne TMC-The Metal Company. Elles ont repéré que les bateaux de TMC appartiennent à une entreprise suisse. Or, la Suisse, elle, a signé le moratoire contre l’exploitation minière en mer. Du coup, les activistes veulent pousser les autorités suisses à réagir. L’idée, c’est de les obliger à faire pression sur l’entreprise pour qu’elle se retire du projet. Avant qu’il ne soit trop tard.