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Solitude, suicide, crise démographique, gender gap : la société sud-coréenne en 4 chiffres clefs 

Initialement prévue pour 2027, l’élection présidentielle sud-coréenne a été avancée au 3 juin 2025 suite à la destitution du précédent président Yoon Suk-yeol, après que celui-ci a proclamé la loi martiale en décembre. Le scrutin a ainsi vu s’opposer le candidat du parti conservateur Kim Moon-soo au démocrate Lee Jae-myung, donné gagnant par les sondages de sortie d’urnes.

Le scrutin a eu lieu sur fond de ralentissement économique, de détérioration de la situation sécuritaire — selon le Wall Street Journal, l’administration Trump envisagerait de déplacer environ 4 500 soldats américains de la Corée du Sud vers Guam ou d’autres zones de la région U.S. Considers Withdrawing Thousands of Troops From South Korea », The Wall Street Journal, 23 mai 2025. »>1 — et de tensions commerciales avec les États-Unis. Il intervient également dans un contexte interne particulier : la Corée du Sud est le pays de l’OCDE où l’inégalité entre les hommes et les femmes est la plus élevée, et le taux de fertilité le moins élevé en Asie.

Le gender gap

Dans la plupart des démocraties, l’écart idéologique entre les hommes et les femmes s’est creusé ces dernières années : les femmes ont plus tendance à voter pour des candidats libéraux, tandis que les hommes votent plus conservateur. Ce clivage est particulièrement visible en Corée du Sud, où un écart de 50 points s’est formé en deux décennies A new global gender divide is emerging », Financial Times, 26 janvier 2024. »>2.

  • C’est notamment le mouvement #MeToo qui a agi comme un déclencheur en Corée du Sud. De plus en plus de jeunes hommes considèrent ainsi que les tentatives visant à réduire les inégalités constitueraient des actes de discrimination sur la base du genre.
  • Ce sentiment de « marginalisation » conduit les jeunes hommes à exprimer des opinions plus conservatrices sur les questions de genre que les hommes âgés de 60 ans et plus.
  • Dans le même temps, les jeunes femmes sont beaucoup plus enclines à soutenir des candidats libéraux issus notamment du Parti démocrate, jugé plus favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes — notamment dans le monde professionnel.
  • Aucune femme ne figurait parmi les 6 candidats à l’élection présidentielle. Celles-ci sont également largement sous-représentées au parlement, où elles occupent un cinquième des sièges, ainsi qu’au sein du gouvernement (seulement 4 ministres sur 18 sont des femmes).

Avec un écart de salaire entre les hommes et les femmes supérieur à 31 % en 2022, la société sud-coréenne est la plus inégalitaire parmi les pays de l’OCDE. Si les femmes sud-coréennes jouissent d’une des espérances de vie et d’un niveau d’études moyen parmi les plus élevés au monde, le gender gap persiste.

  • C’est notamment pour réduire les inégalités liées au genre qu’une commission présidentielle sur les questions liées aux femmes a été créée en 1998, sous le mandat de Kim Dae-jung. Elle a par la suite donné lieu en 2010 à la fondation d’un ministère dédié à l’Égalité des genres.
  • Les violences faites aux femmes, le sexisme ou encore le féminisme ont occupé une place importante lors de la précédente élection présidentielle de 2022. Si les deux principaux partis (le Parti démocrate et le Pouvoir au peuple) avaient reconnu faire face à un défi majeur, le président conservateur Yoon Suk-yeol avait fait campagne sur l’abolition du ministère.
  • Les deux principaux candidats de la campagne de 2025, Kim Moon-soo et Lee Jae-myung, ont quant à eux largement ignoré les inégalités de genre.

Taux de suicide

Solitude

Selon les statistiques officielles du gouvernement sud-coréen, plus d’une personne sur cinq (21,1 %) âgée de plus de 19 ans dit se « sentir seul », soit un niveau élevé qui demeure toutefois relativement stable depuis 2017. Au cours de la pandémie de coronavirus, ce chiffre a bondi de 6 points de pourcentage avant de connaître une légère baisse en 2022 et 2023.

  • Afin de lutter contre cette « épidémie de solitude », le gouvernement et la capitale sud-coréenne, Séoul, ont lancé des initiatives ces dernières années visant à fournir un soutien psychologique aux personnes dans le besoin.
  • C’est notamment le sentiment d’isolement vis-à-vis du reste de la société qui contribue à la hausse du taux de suicide. En 2023, plus de 3 500 Sud-Coréens ont été victimes de « décès isolés ».
  • À l’automne 2024, la ville de Séoul a ainsi lancé une nouvelle initiative dotée d’un budget de plus de 300 millions d’euros sur cinq ans afin « d’éradiquer la solitude ». 
  • Les autorités municipales veulent notamment travailler avec les laveries automatiques et les magasins de proximité pour « créer des fenêtres de communication entre les personnes isolées et la société » Seoul invests millions to become ‘city without loneliness’ », ABC News, 13 décembre 2024. »>5.

Fin 2023, l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré que la solitude constituait une « menace sanitaire mondiale d’urgence » dont les risques pour la santé seraient supérieurs à ceux causés par l’obésité et la sédentarité.

Crise démographique

Tous ces facteurs, cumulés à l’augmentation du célibat, l’âge moyen toujours plus tardif des premières relations romantiques ainsi que l’effondrement du nombre de mariages, contribuent à la baisse du taux de fertilité.

  • On considère le « taux de remplacement » comme le seuil au-dessus duquel la taille de la population reste constante d’une génération à l’autre (hors immigration). Celui-ci est fixé à 2,1 naissances par femme.
  • En 2023, le taux de fertilité en Corée du Sud se trouvait à 0,72, soit le plus bas en Asie à l’exception de Macao.
  • Ces dernières années, malgré une croissance positive, la crise démographique qui pèse sur le pays est devenue le principal risque pour l’économie sud-coréenne ainsi que son système de protection sociale.

En l’espace de quelques décennies, le taux de fécondité en Corée du Sud est ainsi passé en-dessous du niveau du Japon. En 2024, Séoul projetait que sa population était susceptible d’être divisée par deux d’ici 2100 par rapport à son niveau actuel. Cet effondrement de la population est également lu comme un risque pour la sécurité du pays, la taille de l’armée sud-coréenne représentant désormais moins de 40 % de celle de Pyongyang.

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Auteur : Marin Saillofest

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Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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