
Franceinfo et plusieurs médias en parlaient déjà en février 2024 : de fausses publicités détournant les images de célébrités et les marques de médias pullulent sur les réseaux sociaux. Un an plus tard, au contraire de diminuer, la pratique semble s’être installée.
Cela a commencé en juillet 2023, selon le journaliste et expert en tech Victor Baissait, contacté par le Vrai ou Faux. Ces fausses publicités sont des publications sponsorisées sur les réseaux sociaux – des comptes anonymes paient pour les diffuser à une large audience – qui se font passer pour des articles de presse sensationnalistes ou de faux reportages sur des personnalités connues du grand public en France. Cela donne des articles du genre : « La vie de Redouane Bougheraba ne sera plus jamais la même ». Ou : « Je n’arrive pas à y croire. Je vous remercie pour tout », phrase accompagnée d’une photo d’une célébrité.
Le but est de nous faire cliquer sur ces publicités qui vont nous emmener vers les faux articles de presse qui sont de vraies arnaques, aux faux placements, aux cryptomonnaies, pour jouer à un casino en ligne ou pour acheter des médicaments. Mais il s’agit surtout de nous soutirer de l’argent ou de récolter nos coordonnées bancaires.
Des arnaques sans cesse renouvelées
Un an et demi après ces premières fausses publicités, la pratique prospère sur les réseaux sociaux. Il n’y a aucune estimation du nombre total de ce genre d’arnaques qui circulent, car il est très difficile d’en faire un recensement exhaustif puisque les publications disparaissent aussi vite qu’elles apparaissent et qu’elles sont publiées par des comptes anonymes, inconnus, sans aucun abonné.
Victor Baissait a créé une sorte de répertoire de certaines de ces fausses publicités sur son site internet. Il s’intéresse principalement aux deepfakes, ces vidéos qui reproduisent l’image et la voix des personnalités grâce à une intelligence artificielle, pour leur faire dire n’importe quoi. Il en a déjà recensé environ 500. Toutes les célébrités y passent, aussi bien des journalistes connus du petit écran tels qu’Elise Lucet ou Julian Bugier de France 2 et Anne-Claire Coudray de TF1, que des footballeurs comme Kylian Mbappé, les acteurs Pierre Niney ou Omar Sy, le philosophe Michel Onfray ou même Elon Musk, le patron de X dont l’image a été détournée sur son propre réseau social.
Quasi impossible d’empêcher la diffusion de ces fausses publicités
Plusieurs plaintes ont été déposées contre ces publications qui sont illégales et enfreignent le Code de la consommation, aussi bien par des médias comme Le Monde, TF1 ou France 2, que par les personnalités dont l’image a été détournée, comme Elise Lucet. Mais la justice prend du temps. En attendant, « nous avons à force de persévérance réussi à faire retirer beaucoup de photos ou de vidéos », explique la présentatrice de Cash Investigation au Vrai ou Faux de franceinfo. Néanmoins, « le problème, c’est que d’autres arrivent ces dernières semaines », ajoute-t-elle.
En effet, une nouvelle campagne de désinformation avec l’image d’Elise Lucet a été lancée sur Facebook et Instagram à la fin du mois de janvier. Rapidement bloquée, elle a été suivie par une autre campagne de fausses publicités, dont dix étaient encore sponsorisée sur ces réseaux le 5 février, pendant la préparation de cette chronique, selon le centre de publicités du groupe Meta.
Cela montre à quel point il est quasiment impossible d’empêcher la publication de ces fausses publicités. Il s’agit d’un vrai jeu du chat et de la souris. Les fausses publicités sont publiées, celles qui sont repérées peuvent être signalées, si les plateformes constatent une irrégularité elles doivent alors les supprimer. Mais rien n’empêche les arnaqueurs de créer un autre compte anonyme et de repartager la même publicité, voire d’en créer de nouvelles pour viser d’autres personnalités. Victor Baissait note que les arnaqueurs savent très bien surfer sur l’actualité, car des fausses publicités ont détourné l’image de l’acteur Alain Delon, juste après sa mort. Ils s’adaptent aussi aux pays en ciblant principalement des célébrités nationales.
Il est aussi difficile de trouver les auteurs de ces publications.« C’est très compliqué parce que ce sont des gens qui sont souvent dans des pays d’Asie, en Russie, en Ukraine, en Indonésie », explique Victor Baissait. « Ce ne sont pas des gens qui sont dans leurs coins, mais des organisations bien structurées qui ont de l’argent à dépenser. Ça rapporte. Si c’est toujours là un an et demi après, c’est parce que ça marche et qu’il y a des gens qui se font encore avoir. On n’a pas de chiffres sur est-ce que ça marche ou pas mais vu que ça continue, c’est que ça doit marcher », déduit le journaliste.
Que font les réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux ne sont pas considérés comme des éditeurs des contenus qui sont publiés sur leurs plateformes, mais comme des hébergeurs. Cela veut dire qu’ils ne sont pas responsables légalement des contenus. Ils sont simplement obligés de faire quelque chose si un contenu mensonger leur est signalé, ce pourquoi ils suppriment ou bloquent régulièrement ces publications frauduleuses. Celles-ci sont par ailleurs interdites par les règlements des réseaux.
Néanmoins, les fausses publicités parviennent à déjouer leurs filtres – un « contrôle minimal », explique le journal Le Parisien. Les comptes anonymes peuvent payer directement les plateformes pour diffuser leurs publicités, qui passent par un système de validation automatisé en seulement quelques heures. « Chez Meta, la validation de ces publicités passe depuis deux ans par de l’intelligence artificielle qui analyse automatiquement les contenus des publicités », analysait Frans Imbert-Vier, expert en cybersécurité chez UBCOM et ancien de l’agence publicitaire TBWA, auprès du Parisien. Les comptes anonymes savent se donner l’air d’être des comptes innocents.
Victor Baissait regrette que les plateformes ne soient pas plus proactives pour empêcher la diffusion de ces fausses publicités. « Il y a des pages avec 100 pubs supprimées sur Facebook parce qu’elles ne respectent pas les règles de Meta, mais les pages continuent d’exister et donc peuvent continuer de diffuser des fausses pubs », a-t-il observé. Il estime aussi que les réseaux pourraient mettre en place des détecteurs de deepfakes dans les publications.
L’expert rappelle que ces fausses publicités représentent une mane financière pour les plateformes, puisque les arnaqueurs paient les réseaux sociaux pour y diffuser leurs arnaques.