
Alors que l’Ordre des médecins redoute un afflux trop important de praticiens dans les années à venir, certains territoires – impactés par la désertification médicale – appellent avant tout à se préoccuper des problèmes déjà existants. Dans le Gers, de nombreux habitants déplorent un discours « déconnecté du réel ».
« Ah bon ? » Du haut de ses 55 ans, Thierry croit à une mauvaise blague lorsqu’on lui annonce que le Conseil national de l’Ordre des médecins redoute un afflux excessif de nouveaux praticiens dans le paysage médical français dans les années à venir : « Dans ce cas, pourquoi nos campagnes ont-elles autant de difficultés à attirer des praticiens ? », questionne cet employé de mairie domicilié dans la petite commune de Puycasquier (Gers), à une heure de route de Toulouse.
Lui, déplore le départ à la retraite prochain de son médecin traitant, le seul de la commune. La municipalité venait pourtant de faire bâtir un local tout neuf dans lequel le praticien recevait ses patients. En parallèle, Thierry a assisté, impuissant, à la fermeture de la seule pharmacie du village pendant quatre longs mois avant sa réouverture récente. Pour le quinquagénaire, le diagnostic posé par l’Ordre des médecins n’est pas le bon.
Il n’est, de toute évidence, pas partagé par les populations qui se trouvent en première ligne face à la difficile réalité de la désertification médicale. Le Gers est de ces territoires-là : avec 225 médecins généralistes pour 100 000 habitants, le département enregistre la plus faible densité de médecins en région Occitanie. Pour inverser la tendance et attirer les praticiens, de nombreuses municipalités ont donc souhaité miser sur les fameuses « maisons de santé ».
« On place la charrue avant les bœufs »
C’est le cas de la commune de Mauvezin. Sur place, la Maison médicale – inaugurée en 2013 – accueille aujourd’hui 22 professionnels de santé, dont quatre médecins généralistes.
Une recette gagnante ? Oui… Mais qui met parfois des années avant de porter ses fruits. Certains patients déplorent aujourd’hui des délais d’attente excessivement longs avant d’obtenir un rendez-vous, face à une demande croissante : « Pour des renouvellements d’ordonnances, vous devez patienter entre trois et six mois, déplore Nathalie, orthophoniste à Mauvezin. Vous avez par ailleurs des praticiens qui désormais, se limitent à examiner un unique symptôme par consultation. »
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Alors quand la quadragénaire apprend que l’Ordre des médecins anticipe une augmentation trop importante du nombre de praticiens, elle tombe des nues. « On place la charrue avant les bœufs, regrette cette dernière. En plus grand nombre, les médecins auraient davantage de temps pour ausculter et donc réaliser des observations cliniques plus efficaces ».
En manque de spécialistes
« On n’est pas si mal lotis », tempère pour sa part Bernard, 72 ans, plutôt content de la médecine de ville à Mauvezin. L’ancien homme d’affaires regrette cependant un manque criant de spécialistes sur le territoire : « Je dois faire surveiller de près des carcinomes (une variété cutanée de cancer, ndlr) et je ne parviens pas à obtenir le moindre rendez-vous à moins de six mois avec un dermatologue… Il est plutôt là, le scandale », ponctue le septuagénaire. C’est là le grand mal du Gers, qui souffre d’une carence sévère en spécialistes.
Le constat est également partagé par Marie, 29 ans. Cette jeune mère de famille qui habite à Aubiet, est obligée de se rendre à Toulouse pour consulter sa gynécologue.
Côté médecine générale, la jeune femme a eu beaucoup de chance : « Nous avons pu trouver un médecin traitant qui prenait de nouveaux patients sur la commune de Gimont, à quelques kilomètres de route… Mais c’est bien grâce au bouche à oreille », raconte cette dernière. Par chance, une nouvelle maison de santé a ouvert ses portes sur la commune il y a deux semaines. « On espère qu’elle va attirer de nouveaux praticiens, espère Marie. En fait, il nous tarderait presque d’avoir trop de médecins sur notre territoire. »