
«L’activité du site de Rennes dépendra du succès commercial de la future C5 Aircross dont je pense le plus grand bien. J’espère qu’elle connaîtra le succès, mais nous n’en savons rien. » Lors de sa dernière venue dans l’usine de la Janais, Carlos Tavares usait de son habituel ton cash. Impossible pour lui de promettre que ce site historique de Citroën inauguré par le général de Gaulle en 1960 survivra à la transformation de l’industrie automobile mondiale. Débarqué de Stellantis avec un budget de 12 millions d’euros pour son pot de départ, l’ancien patron avait annoncé un investissement conséquent de plus de 160 millions d’euros pour permettre à l’usine de se transformer. Ce qu’elle a fait en moins de trois ans.
Depuis quelques semaines, la Janais est capable de sortir le tout nouveau C5 Aircross de ses lignes. Avec une particularité : celle de pouvoir produire à la fois des modèles électriques, des hybrides (rechargeables ou non) et même des thermiques pour les marchés hors Europe. Considéré comme « premium », le site de Chartres-de-Bretagne sera le seul dans le monde à fabriquer ce tout nouveau SUV présenté en grande pompe mardi par Citroën à Paris. Un modèle que la marque compare à « un tapis volant » et sur lequel elle compte beaucoup.
Si Rennes a su séduire la direction de l’empire Stellantis et ses 14 marques, c’est avant tout pour sa capacité à bien travailler. « On a eu une culture qualité ici. On a toujours eu le souci du détail. C’est notre ADN et ça nous place sur le podium de la qualité de tous les sites de production de Stellantis », assure Didier Picard, ingénieur de la Janais et représentant du syndicat CFE-CGC. Le problème, c’était la compétitivité et notamment le prix. Difficile pour un site français de rivaliser avec ses homologues espagnols, portugais ou roumains. Alors l’usine a coupé partout et s’est décarbonée. Elle qui s’étendait sur plus de 230 hectares par le passé a divisé sa surface d’occupation par deux afin de réduire ses coûts énergétiques d’environ 60 % en moins de cinq ans, investissant par exemple dans une chaufferie biomasse.
Un nouvel atelier plastique en devenir
Elle a aussi lourdement investi dans de nouveaux ateliers de ferrage (soudure et carrosserie), rapatrié 400 robots du site de Sochaux et récupéré les presses de Fiat pour se relancer dans la production de pièces en plastique comme des pare-chocs. « Cela faisait plus de vingt-cinq ans qu’on n’avait pas produit ça ici », glisse le syndicaliste. L’équipe fonctionnera en « 3×8 » et produira des pièces pour d’autres usines du groupe.
Pour les quelque 1.700 salariés de Stellantis qui travaillent dessus, ce nouveau C5 Aircross est un engagement. Alors qu’elle a fait travailler plus de 13.000 personnes dans le passé, l’usine a vu ses effectifs sombrer ces dernières années, au point de frôler la fermeture à quelques reprises. Alors qu’elle produit 300 C5 Aircross ancien modèle par jour actuellement, la Janais en fera 410 à la rentrée de septembre. « Nous avons la capacité de faire plus. Cela dépendra aussi des volumes de ventes », explique la direction du site.
Une usine de « cheveux blancs »
Pour y parvenir, une équipe du matin et une de l’après-midi se relaieront pour tenir cette cadence pendant au moins trois ans. Mais pour la suite ? « On attend de la direction qu’elle puisse affecter un nouveau véhicule. Nous avons besoin de visibilité », assure le représentant de la CFE-CGC. Didier Picard espère aussi que le groupe va embaucher, notamment pour remplacer les salariés les plus anciens qui partiront bientôt à la retraite. Avec une moyenne d’âge de 53 ans, la Janais est clairement une usine de « cheveux blancs ». Mais elle a prouvé qu’elle avait encore de la ressource.
Auteur : Camille Allain
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