Ligne THT : « On sacrifie le Vivant au prétexte de lutter contre la crise climatique »

Une menace pour l’Océan

Le capitaine Paul Watson, récemment libéré de prison, a été accueilli par les applaudissements et les bravos lors de son arrivée à Seignosse, dans les Landes. Aux côtés de Lamya Essemlali, la directrice de Sea Shepherd France, il est venu soutenir la lutte de la population landaise contre un projet de ligne THT.

« Nous avons une énorme responsabilité à protéger la biodiversité et l’interdépendance avec les espaces marins, car, comme je le dis depuis cinquante ans, si l’océan meurt, nous mourrons avec lui. C’est lui qui nous maintient en vie » a rappelé Paul Watson lors de la conférence

4 câbles d’une puissance inédite de 400.000 volts et 2000 mégawatts, en courant continu, longeant la côte sur près de 400 km avec un détour terrestre dans les Landes sur 27 km. Un « tracé incompréhensible » pour la population qui se bat depuis 2021 pour qu’il passe le long de l’autoroute, ainsi que le demande leur pétition, et préserve forêts et océan.

« Ces projets d’infrastructure énergétique suivent une trajectoire immuable et verrouillée. Les recours vont être purgés et pendant ce temps, les travaux continuent. C’est la théorie du fait accompli », dénonce Marie Darzacq, la présidente de Landes Aquitaine Environnement.

En France, de nombreux projets sont jugés illégaux une fois les travaux finis. Sur la montagne de Lure, chère à Jean Giono, la gigantesque centrale photovoltaïque continue d’opérer alors que la cour administrative d’appel de Marseille a jugé illégal, le 31 mai 2024, l’arrêté préfectoral qui permettait à la multinationale canadienne Boralex de déroger au droit environnemental pour détruire des espèces et habitats protégés.

Pour Lamya Essemlali, « on sacrifie le Vivant au prétexte de lutter contre la crise climatique. Le cas de cette ligne THT fait écho au combat mené contre le gigantesque parc éolien de Saint-Brieuc, où nous nous étions alliés avec les pêcheurs pour préserver la biodiversité. »

Aurore Toulot, biologiste marine pour Itsas Arima, rappelle que la ligne THT comporte 4 impacts potentiels sur la vie marine. L’ensouillage des câbles qui va soulever de nombreux sédiments, le dégagement de chaleur des câbles qui peut élever la température de plus de 3°C sur 30 cm de profondeur, une chaleur fatale pour les espèces clouées au fond marin.

L’impact sonore de ces ondes électriques est également une inquiétude majeure pour la communication des mammifères marins. Enfin, les Champs Electro Magnétiques (CEM) qui seront générés sont une menace réelle pour la vie marine comme les esturgeons ou les cétacés.

Philippe Garcia, président de Défense des Milieux Aquatiques, est particulièrement inquiet pour les populations de saumons d’Atlantique. Ces poissons migrateurs, déjà au bord de l’extinction en France, risquent d’être déboussolés par les CEM ce qui les empêcherait de retourner à leur lieu de reproduction.

Quant à Erwan Simon, fondateur de la réserve des vagues de Quiberon, c’est la topologie des bancs de sable, indispensables à la formation des vagues, qui risque d’être bouleversée.

L’ensemble des intervenants présents lors de la conférence STOP THT, 27 avril 2025, Seignosse

Une menace pour les écosystèmes terrestres

Ces inquiétudes se retranscrivent également sur les écosystèmes terrestres et la santé humaine. Philippe Barre, fondateur de l’écosystème Darwin, témoigne ainsi de sa qualité de sommeil lorsqu’il dormait dans une cabane dans les bois d’Arcachon, épargnée par les ondes téléphoniques.

Une crainte étayée par Tania Pacheff, biochimiste spécialisée en santé environnementale : « Chaque personne a ce qu’on appelle un exposome qui correspond à tous les éléments qui sont dans son environnement et peuvent avoir un impact sur sa santé, qu’il soit positif ou négatif. Avec cette ligne THT, on est face à un effet cocktail qui n’a pas du tout été calculé. C’est-à-dire qu’il y a les ondes électromagnétiques et les champs électriques qui vont émaner de ces lignes, celles du téléphone, la télé, Internet, etc. Cette ligne 400 000 volts en courant continu va servir un peu de test à grande échelle sur les habitants et la faune. »

Thomas Brail, le fondateur du Groupe national de surveillance des arbres, alerte des conséquences potentielles pour nos alter-ego végétaux : « Un arbre pousse très mal, voire pas du tout, s’il se trouve sur un nœud tellurique (issu des ondes électromagnétiques naturellement présentes dans le sol, ndlr). Que va-t-il se passer avec ces CEM supplémentaires ? »

En début d’année 2025, des écureuils (grimpeurs militants) s’étaient ainsi perchés dans les cimes à Soorts-Hossegor pour dénoncer l’abattage d’arbres le long du tracé. Mapuche, l’un d’eux, n’est redescendu que récemment.

Surtout, les dommages que l’on fait aux écosystèmes ne peuvent souvent pas être rattrapés ensuite, rappelle l’ingénieur environnemental Yves Emo. « Dans le cadre de projets d’aménagement, pour 1ha détruit, on demande de compenser / régénérer 1ha. Cela ne fonctionne pas, certains écosystèmes comme les zones humides mettent des centaines d’années à se former. On est passés de créateurs à fossoyeurs de vie. »

L’expérimentation technique, 400 000 volts en courant continu, s’allie ici à une expérimentation sociale, sur l’acceptabilité ou non du projet par la population. Alors que la France est géographiquement située au milieu de l’Europe, RTE prévoit de faire de l’Hexagone une plaque tournante des interconnexions électriques.

Le combat se poursuit désormais dans les tribunaux. Plusieurs recours ont été rejetés par le tribunal administratif de Bordeaux sans que le fond ne soit étudié. Le 28 janvier, la Cour d’Appel de Pau a donné raison aux trois associations sur les travaux en mer. Un espoir de jurisprudence alors que d’autres projets d’interconnexions électriques sont déjà en gestation, comme Xlinks.

En plus d’un recours au Tribunal Administratif mené avec la ville de Seignosse, les trois associations (Landes Aquitaine Environnement, Défense des Milieux Aquatiques, Sea Shepherd France) sont dans l’attente d’autres recours, notamment au Parquet Environnemental de Bayonne, contre le projet de ligne Très Haute Tension du Golfe de Gascogne.

Lamya Essemlali, Paul Watson et Thomas Brail avec les livres-journaux de La Relève et La Peste. Santé humaine, environnementale et animale sont interdépendantes.

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