La France est-elle vraiment « l’un des pays les plus violents d’Europe », comme l’affirme Laurent Wauquiez ?

Des règlements de comptes, une grenade jetée dans un bar… Les actualités récentes poussent Laurent Wauquiez à estimer que « notre pays est en train de devenir l’un des pays les plus violences d’Europe ». Le patron des députés Les Républicains l’a déclaré mercredi 23 avril dans le 8h30 de franceinfo, assurant que la France était le pays « où il y [avait] le plus de violences par armes à feu, d’agressions ». « C’est juste ça la réalité », concluait-il. Vrai ou Faux ?

Globalement, Laurent Wauquiez dit vrai, la France fait en effet partie des pays les plus violents d’Europe, selon les dernières données disponibles sur Eurostat, le service de statistiques de la Commission européenne. Cela fait dix ans qu’elle est sur le podium et, en 2022, la France était même le pays où le plus d’actes violents ont été enregistrés par les forces de l’ordre.

La France en tête des actes violents en 2022

Eurostat a répertorié la quantité de 21 types d’infractions par pays d’Europe en 2022. La France est le deuxième pays où il y a eu le plus d’infractions – près de 2,9 millions – en valeur absolue et le septième pays si l’on rapporte ces infractions au nombre d’habitants. Mais une grande partie de ces faits ne comprennent pas de violences, en tout cas pas dans la manière dont ils ont été classifiés.

Sur ces 21 infractions, neuf sont clairement des actes violents. Il s’agit d’homicides, de tentatives d’homicides, d’agressions graves, de vols qualifiés, de viols, d’agressions sexuelles ou autres violences sexuelles. Après addition de ces faits, la France arrive en tête du classement des pays qui ont recensé le plus de faits de violences en 2022, aussi bien en valeur absolue – 650 000 actes – qu’en proportion du nombre d’habitants – près de 1 000 actes violents pour 100 000 habitants. Elle reste en tête si l’on ne compte que les violences physiques et non sexuelles.

Mais 10e pays  en nombre d’homicides

Néanmoins, il faut prendre ces chiffres avec précaution, notamment parce que tous les pays et tous les systèmes judiciaires ne définissent pas forcément tous les crimes et délits de la même façon. Aussi parce que certaines infractions peuvent être culturellement moins dénoncées dans des pays que d’autres.

Antoine Jardin, chercheur CNRS au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), spécialiste du rapport à l’insécurité sur la construction des représentations et du vote, interviewé par Les Surligneurs, estime que « le taux d’indicateur le plus fiable, c’est celui de l’homicide volontaire puisque c’est sensiblement la même chose en fonction des pays et de leur système juridique ». De ce point de vue, la France se classe à la dixième place des pays avec le taux d’homicides par habitants le plus fort et est juste un peu au-dessus la moyenne européenne.

Aucunes données récentes sur les violences par armes à feu

En revanche, le député LR de Haute-Loire se trompe sur les violences par armes à feu. En réalité, il existe peu de comparaisons européennes détaillées des violences selon le type d’armes utilisées et, surtout, les données sont très mal consolidées pour la France. Notre pays n’est même pas véritablement classé dans la dernière étude qui fait référence sur le sujet, réalisé par le Conseil suédois pour la prévention des crimes (Brå) et qui a conclu en 2021 que la Suède était le pays d’Europe où il y avait le plus d’homicides par armes à feu.

Les dernières données disponibles sur la violence par armes à feu en France se trouvent dans un rapport de l’Institut flamand pour la Paix mais ne vont que jusqu’à 2014. Cette étude montre que le taux d’homicides par arme à feu a diminué en France entre 2000 et 2014, passant de 0,6 meurtres par arme à feu pour 100 000 habitants en 2000 à près de 0,2 en 2014. La France se situait à la 21e place dans le classement sur 32 pays recensés dans le rapport.

Mais c’était il y a dix ans, c’était aussi avant les attentats de 2015. Impossible de savoir si, depuis, la baisse des homicides par arme à feu a continué, si les choses se sont stabilisées ou si elles sont reparties à la hausse.



Aller à la source