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« J’ai été mise à pieds sans raison »

Laura* a la voix qui frémit. Elle a vécu « un enfer. » Pourtant, cette passionnée de son travail n’a pas compris. « Ca fait 12 ans et demi que je travaillais à l’IME dont 10 ans auprès des enfants polyhandicapés.  »

Après un an et demi d’arrête maladie et une opération de la cheville, elle bascule sur un nouveau groupe. Nous sommes en février 2022. Après avoir pris ses marques auprès d’une équipe soudée et des enfants à apprendre à connaître, Laura apprend que des changements vont être opérés dans les services. « On nous dit que ces changements seront mis en place en fonction de l’ancienneté sur le service et sur la base du volontariat. Je ne me sens donc pas du tout visée. » Pourtant, Laura est une des premières convoquées . « Je ne voulais pas mais ma cheffe a valorisé mes compétences. » Pour Laura, « ça finirait forcément mal… »

Alors que la jeune femme confie ses craintes, sa supérieure lui répond : « Vous avez peut-être besoin d’un traitement médicamenteux pour vous aider. » Plus tard, elle demande un rendez-vous avec la direction pour tenter de comprendre pourquoi on la change d’unité. « On m’a dit que le changement était bénéfique autant pour les résidents que pour l’équipe. »

Aucun soutien de la hiérarchie

En septembre 2024, Laura explique à nouveau ses difficultés à la direction qui lui rétorque que c’est à elle de trouver des solutions. « Avec mes collègues, en revanche, ça se passait très bien, heureusement. »

Pourtant, les anciens de l’équipe prennent conscience que les enfants sont bouleversés par les changements dans le service. Une réunion est organisée pour faire le point sur le mal-être au travail. Mais la réponse reste sans appel : « On refait le point dans un an. »

En novembre, Laura se fait une déchirure musculaire et est de nouveau arrêtée. « Je pense que mon corps disait Stop. » Elle reprend et tout se passe de mieux en mieux. Elle fait un bilan avec sa hiérarchie qui appuie sur ses grandes compétences et ses capacités d’adaptation.

Mise à pieds de 14 jours

« De toutes mes années à l’IME, je n’ai eu qu’une seule remarque, c’était en septembre 2024. On m’avait juste dit de faire attention, que je criais fort parfois. » En effet, un jour sur la terrasse, alors que toutes les fenêtres sont ouvertes, sa supérieure l’entend parler fort sur une petite. Après cette remarque, Laura fait très attention de ne pas hausser le ton.

Ainsi, Laura s’adapte de mieux en mieux au service, et reçoit de nombreux compliments de la part de l’équipe et de ses supérieurs.

Mais, en mars, le 5 exactement, alors qu’elle est en vacances, elle reçoit une lettre de mise à pieds de 14 jours. « On me notifiait que j’avais fait acte de maltraitance. Je ne savais pas ce qui m’était reproché. On m’annonçait juste que j’avais un entretien disciplinaire le 18 mars. »

« On m’a reproché d’avoir crié 6 mois avant. »

Elle se rend donc à ce rendez-vous, accompagné d’un représentant syndical. « Je n’ai rien pu dire pour me défendre. On ne m’a pas laissée parler. J’avais crié trop fort, c’était maltraitant. Point. J’ai écopé d’une mise à pieds de 3 jours. » En tant que représentante du personnel, le protocole n’est pas respecté et la procédure a finalement été annulée. Mais malgré tout, c’en est trop pour Laura, qui ne parvient pas à retourner travailler. « J’ai trouvé un travail ailleurs. Mais, j’aurais préféré rester. » Surtout Laura ne comprend pas. « Ma manager m’a reprise une fois en septembre sur le fait que je parlais trop fort et j’ai été convoquée en mars, sans que rien d’autre ne me soit reproché. »

Laura se tait. Longtemps. Avant de reprendre : « J’essaie de me reconstruire mais c’est très compliqué. Quand on fait du mieux qu’on peut avec les jeunes et qu’on nous traite de maltraitant, c’est la pire des insultes pour nous. »

De plus en plus d’enfants et de moins en moins de moyens

Mais, Laura a vu le vent tourner. Depuis 12 ans qu’elle travaillait à l’IME de la Roussille, elle a vu le climat se dégrader. « De plus en plus d’enfants avec des moyens constants. Mais aussi un turn-over énorme, des tensions, et une nouvelle direction. On a dû gérer de nouvelles organisations, de nouveaux plannings. »

Pour travailler, le bruit est tellement constant, que Laura et ses collègues ont des casques anti-bruit. « Alors forcément, pour se faire entendre, on parlait fort, de là, à dire qu’on criait… » Car c’est seulement cela que l’on reproche à Laura. « Notre service avait le groupe le plus lourd à gérer. Mais sans moyen adéquat. Une salle de bain sans respect de l’intimité. Des chambres pour 4 ou 5. »

Aujourd’hui Laura a retrouvé du travail, mais ses « collègues et enfants lui manquent. »

Procédure prud’hommale

Elle sera le 23 juin aux côtés de plusieurs autres salariés aux prud’hommes pour entamer une procédure contre l’ADAPEI 63. « Si tout cela n’était pas arrivé, je serais restée à l’IME, j’aimais tellement mon travail… »

Des personnalités politiques en soutien

Au vu de nos nombreux articles à ce sujet, les personnalités politiques se sont positionnées. Le maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi a saisi la procureure de la république et le président de l’ADAPEI 63 pour obtenir des éclaircissements.

Les conseillers départementaux nous ont fait part de leurs inquiétudes et ont alerté le président du Conseil départemental qui finance pour grande partie l’association ADAPEI 63. Ci-joint le courrier qui nous a été transmis.

*Prénom modifié

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Auteur : Eloise LEBOURG

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Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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