DPE : la Cour des comptes alerte sur un outil truffé d’erreurs
Ce devait être la pierre angulaire de la stratégie énergétique française. Il n’est, pour l’instant, qu’un indicateur imprécis, mal appliqué, parfois trompeur. Le rapport incendiaire de la Cour des comptes sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) met en lumière des lacunes méthodologiques et techniques majeures.
DPE : la Cour des comptes démonte un outil énergétique bancal
Le 3 juin 2025, la Cour des comptes a publié un rapport explosif sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), devenu obligatoire pour toute mise en vente ou en location d’un logement. L’intention initiale était louable : classer les bâtiments selon leur performance énergétique, informer les ménages, orienter les politiques publiques vers les logements les plus énergivores. Mais à l’usage, le résultat est chaotique. Le DPE est un outil essentiel… qui dysfonctionne de l’intérieur.
Et pour cause : sa méthodologie, bien qu’unifiée depuis la réforme de 2021, reste entachée d’imprécisions. La Cour souligne que « les mesures ou observations utilisées pour calculer l’étiquette énergétique peuvent être imparfaites, entachant le résultat d’incertitudes importantes ». Un euphémisme pour désigner un calcul énergétique parfois incohérent d’un diagnostiqueur à l’autre, voire pour un même logement, selon les paramètres saisis.
Un calcul théorique… aux conséquences très concrètes
Le DPE repose sur une méthode dite « 3CL » (Calcul des Consommations Conventionnelles des Logements), qui modélise la consommation annuelle en énergie primaire d’un bâtiment, sur la base de données standardisées : isolation, chauffage, ventilation, orientation, etc. Sauf que la qualité des données saisies dépend largement de l’appréciation visuelle du diagnostiqueur, ce qui crée une variabilité énorme entre deux audits.
Cette marge d’erreur, tolérable dans une logique indicative, devient catastrophique dès lors que le DPE devient normatif, c’est-à-dire juridiquement contraignant. Depuis 2023, il conditionne l’interdiction progressive de louer les logements classés F et G, censés être des « passoires thermiques ». Mais si cette classification repose sur des calculs instables, c’est toute la politique énergétique du bâtiment qui repose sur du sable.
Un indicateur énergétique miné par les anomalies et mal encadré
La Cour des comptes ne s’est pas contentée de pointer les défauts théoriques. Elle a mené une enquête de terrain, et les résultats donnent le vertige : 70 % des établissements de diagnostic contrôlés en 2023 ont présenté au moins une anomalie. Le rapport dénonce l’absence de contrôle systématique, une régulation défaillante, et un environnement professionnel trop poreux aux conflits d’intérêts.
Autre faille technique : l’actualisation du DPE ne prend pas toujours en compte les évolutions réelles du logement (travaux non signalés, matériaux mal identifiés, systèmes de chauffage approximés). Résultat : des logements rénovés continuent parfois d’être classés F ou G, faute de preuves ou de saisie rigoureuse. À l’inverse, certains biens obtiennent une meilleure étiquette sans amélioration effective. Le tout fausse totalement la lisibilité des statistiques énergétiques nationales.
Des propositions pour restaurer un minimum de cohérence énergétique
La Cour recommande d’abord un nettoyage méthodologique : renforcer la formation des diagnostiqueurs, harmoniser les procédures de collecte des données, améliorer la transparence des algorithmes utilisés, et surtout introduire des contrôles systématiques a posteriori. Elle insiste sur la nécessité de fiabiliser les bases de données sur lesquelles repose la politique énergétique du logement.
Par ailleurs, elle appelle à une séparation stricte entre les activités de diagnostic, de formation et de certification, afin d’éviter toute dérive ou complaisance entre acteurs. Le diagnostic énergétique ne peut plus être une affaire d’interprétation subjective : il doit devenir un instrument de mesure précis, auditable, et fiable. C’est à cette condition que le DPE pourra redevenir un levier crédible de la performance énergétique des bâtiments.
Derrière le DPE : la crédibilité de toute la stratégie bas-carbone
Le rapport soulève, en creux, une question majeure : comment bâtir une politique énergétique cohérente avec un outil central aussi défaillant ? Alors que la France ambitionne de réduire drastiquement sa consommation énergétique et de massifier la rénovation thermique, un DPE faussé peut orienter à l’aveugle les aides publiques, tromper les ménages, ou pire : décourager les efforts sincères de réhabilitation.
L’énergie est un domaine de chiffres, de bilans et de transparence. En matière de DPE, la France affiche encore un pilotage incertain, un cadre réglementaire flou et un outil de mesure gravement malade. L’urgence énergétique mérite mieux.
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Auteur : Adélaïde Motte
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