Déchets radioactifs : la Cour des comptes étrille l’inaction de l’État
Dans un nouveau rapport, la Cour des comptes s’inquiète. Selon elle, la France manque cruellement de places de stockage pour les déchets radioactifs. Plusieurs milliers de mètres cubes n’ont aucun site où être déposés en toute sécurité.
La France manque de solutions de stockage pour ses déchets radioactifs
La Cour des comptes vient de publier un rapport cinglant sur la gestion des déchets radioactifs dits de « faible activité à vie longue » (FAVL). Ce document, sans appel, met en lumière un vide aussi profond que les couches géologiques censées accueillir ces déchets radioactifs : un vide politique, stratégique et, surtout, logistique. Alors que 280 000 mètres cubes de déchets radioactifs s’accumulent sur le territoire national, aucune infrastructure de stockage adaptée n’est opérationnelle. Et l’échéance, elle, ne cesse de se rapprocher.
Parmi l’inventaire national des déchets radioactifs, ceux classés FAVL se distinguent par une double anomalie : une radioactivité trop faible pour justifier un enfouissement profond comme celui prévu pour les combustibles usés dans le projet Cigéo, mais une durée de vie si longue qu’un simple entreposage en surface serait irresponsable. En juin 2025, la Cour des comptes chiffre ce stock à 280 000 mètres cubes, soit plus de 100 piscines olympiques de substances qui resteront actives pendant plus de 100 000 ans.
« Ces déchets sont aujourd’hui entreposés sans solution pérenne. Leur prise en charge appelle des décisions urgentes, qui ne sauraient être indéfiniment repoussées », avertit la Cour dans son rapport. L’alerte n’est pas nouvelle, mais elle revêt désormais un caractère d’urgence face à la paralysie persistante de la filière. Le projet de centre de stockage à faible profondeur à Soulaines, dans l’Aube, est censé répondre à cette catégorie de déchets. Problème : il ne verra peut-être pas le jour avant 2040. Et surtout, il ne pourra, en tout état de cause, accueillir qu’une fraction des déchets FAVL.
Une stratégie d’enfouissement nucléaire fragmentée et enlisée
Depuis les années 1990, la France s’enorgueillit de son projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique), destiné à enfouir en profondeur les déchets les plus dangereux dans les argiles de Bure. Mais le rêve technique vire à la dystopie administrative. Le calendrier ne cesse de glisser : la mise en service est désormais repoussée à 2027 ou 2028, alors qu’elle était initialement prévue il y a plus d’une décennie.
Et le coût ? Entre 26 et 37 milliards d’euros, selon les projections les plus récentes, une fourchette qui illustre bien l’approximation qui règne autour de cette filière. « Il n’existe à ce jour aucun cadre fiscal stabilisé pour accompagner le financement du projet », précise la Cour des comptes.
Mais Cigéo n’a même pas vocation à accueillir les déchets FAVL : ceux-ci sont exclus de son cahier des charges, car jugés trop peu radioactifs pour justifier un stockage aussi profond. Résultat : alors que les discours sur la relance du nucléaire se multiplient, la réalité du terrain est celle d’un entassement diffus, risqué et non maîtrisé. L’alerte de la Cour intervient dans un contexte de relance annoncée du nucléaire par le gouvernement. En février 2022, Emmanuel Macron avait présenté un programme ambitieux de six nouveaux réacteurs EPR2. Mais à quoi bon produire davantage si la France ne sait toujours pas quoi faire de ses résidus ?
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Auteur : Jean-Baptiste Giraud
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