Pierre Berger, un patron atypique dans le BTP
Le PDG du groupe Eiffage, décédé à 47 ans, a tout fait pour redresser son entreprise.
La nouvelle a créé la stupeur. Vendredi matin, Eiffage a annoncé « avec une grande émotion et une profonde tristesse » le décès, dans la nuit, de son président-directeur général, Pierre Berger . Il avait quarante-sept ans. Victime d’une crise cardiaque, ce patron, charismatique, sportif et audacieux malgré son allure sage, avait succédé à Jean-François Roverato en 2012, à la tête du troisième groupe de BTP français derrière Vinci et Bouygues. Au terme d’un parcours fulgurant. Hors des sentiers battus.
Bachelier à 15 ans, Pierre Berger a été Polytechnicien avant même d’en avoir 18. Et, contrairement à ses camarades de l’X qui ont rejoint l’administration, ce dirigeant affable, né à Issy-les-Moulineaux et diplômé de l’école nationale des Ponts et Chaussées, a démissionné de ce corps pour créer son propre bureau d’études, Sigmatec. En 1992, année noire. Sans capital ou presque… « Je me suis lancé au moment de la crise du BT-P et avec 50.000 francs, dont 34.000 empruntés à mes parents, qui ont servi à acheter un ordinateur et un logiciel de calcul spécialisé trouvé aux Etats-Unis », avait-il confié, en 2011, aux « Echos ».
Qu’importe ! Ce passionné d’architecture, grand amateur de jardins, savait construire ! Deux ans après sa création, son cabinet est racheté par Ménard Soltraitement, société de renom où il avait fait un stage, et dont le jeune leader ne tarde pas à prendre les rênes : en 1999, il en devient directeur général… et pilote son intégration au sein de Freyssinet, filiale de Vinci, entrant dans le groupe à son tour.
Les échelons quatre à quatre
« Pierre rayonnait par son intelligence, son charisme et une capacité à être visionnaire avec dix coups d’avance sur les événements, raconte son ami Jérôme Stubler, président de Vinci Construction, et son camarade à l’X. Il aurait pu être un grand physicien. Il aurait pu être un grand économiste. Il a été un grand patron. »
Chez Vinci – et tout au long de sa vie – Pierre Berger a gravi les échelons quatre à quatre, jusqu’à devenir directeur général (en 2004) puis président (en 2008) de Vinci Construction grands projets. « A son arrivée en 2004, il ne voulait ni secrétaire, ni voiture, et envoyait ses mails à une heure du matin », avait raconté un collègue de l’époque.
C’est là, dans la galaxie Vinci, concurrent d’Eiffage, que Jean-François Roverato viendra le chercher en 2010 pour en faire son dauphin. «Il était à l’aise chez Eiffage. Il était chez lui », témoigne un salarié, ému. Vendredi, l’émotion n’épargnait pas les dirigeants du groupe. «C’était un homme courageux. Notre pays en compte peu. raconte Michel Gostoli, président d’Eiffage Construction. «?Il avait le courage d’aborder avec ténacité toutes les situations. Et il adorait notre métier. Il disait souvent, n’oubliez pas que c’est sur le chantier que vit notre entreprise ».
Energie
Fils de polytechnicien, ingénieur dans l’âme et père de trois enfants encore jeunes, Pierre Berger bloquait parfois, dans son agenda, une après-midi entière pour parcourir une région, passant de chantier à chantier, à la rencontre des collaborateurs, bottes aux pieds, casque sur la tête. « Il débordait d’une énergie qu’il savait vous transmettre. Et il avait une capacité hors du commun à se passionner, à s’enthousiasmer. Il tirait tout le monde vers le haut », témoigne Christian Cassayre, directeur financier d’Eiffage.
L’homme dormait peu, travaillait beaucoup. Armé du sens de la compétition, passé maître dans l’art du dépassement, il atteignait dans sa vie privée, dans le travail ou dans le sport – le vélo, le tennis, la voile – avec, dit-on, avec une facilité déconcertante, un niveau d’excellence. « Il a vécu sa vie comme un jeu intense,estime Jérôme Stubler, soulignant sa capacité à tout faire et sa volonté de tout comprendre.?C’était un être exceptionnel ».
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