
Après l’attaque mortelle d’une lycéenne à Nantes le 24 avril dernier par un autre élève, une ancienne cheffe de service hospitalier pointe une crise grave : l’absence de prise en charge psychiatrique adaptée pour les jeunes de ce profil. Rencontre.
L’effroi a saisi la ville de Nantes ce jeudi 24 avril, peu après 12h15. Une élève de seconde du lycée privé Notre-Dame-de-Toutes-Aides a été mortellement poignardée en plein établissement. Trois autres élèves ont été grièvement blessés, tous en état d’urgence absolue.
L’auteur présumé de l’attaque, Justin P., également élève de seconde dans le même lycée, a rapidement été interpellé. Selon les informations de nos confrères du Figaro, l’adolescent présente un profil « fragile » voire « dépressif », bien qu’il ne soit pas connu des services de police. Une expertise psychiatrique réalisée peu après les faits a conclu à une incompatibilité avec la garde à vue.
Marie-Thérèse Lê Quang, ancienne cheffe de service en psychiatrie à l’hôpital d’Auch, apporte un éclairage clinique. « Ce jeune homme, d’après les éléments communiqués par le procureur de la République, semble avoir eu ce qu’on appelle en psychiatrie une bouffée délirante. En psychiatrie, on parle souvent d’un « coup de tonnerre dans un ciel serein ». L’âge d’apparition, 15 ans, est typique d’un premier épisode de ce type, qui peut parfois être annonciateur d’une schizophrénie. »
« Il partageait des idées bizarres »
Le profil de l’adolescent suscite de nombreuses interrogations. Une collégienne de 3e a témoigné auprès de l’AFP. « Ce lycéen, les gens le connaissaient comme dépressif, il disait qu’il adorait Hitler. Il a envoyé un mail de 13 pages à tout le monde pour expliquer tous ses problèmes à midi. »
Un ancien camarade a aussi décrit le jeune homme comme « pas normal ». « Il était réservé. Il partageait des idées bizarres, des idées nazies. Il rigolait de ça mais moi je ne pense pas qu’il rigolait tant que ça », a-t-il confié.
Pour la psychiatre Marie-Thérèse Lê Quang, les signes avant-coureurs étaient visibles. « Le procureur a bien décrit un processus préoccupant. Il était replié sur lui-même, ne parlait à personne. Il avait des idées complètement délirantes. Il disait que son mentor, c’était Hitler, etc. Et souvent, les jeunes en proie à un délire choisissent comme mentor une figure hors du commun, si je puis dire. Et de préférence, des mentors qui tuent, des mentors qui avilissent. Donc je pense que c’est ça. »
Un manque de suivi psychiatrique
À l’aube de ses 88 ans, la psychiatre ne cache pas son émotion. « J’ai vu des cas de schizophrénie, mais ce qui m’alarme, c’est le manque criant de psychiatres. Il n’y a presque plus de pédopsychiatres. C’est le drame de la psychiatrie, de la santé mentale en général. »
Pour elle, la prise en charge de l’adolescent a été insuffisante. « Sa mère l’a orienté six fois vers la Maison des adolescents. Mais il n’a été reçu que par des éducateurs. Aucun psychologue, aucun médecin ne l’a vu. S’il avait été pris en charge, il aurait pu bénéficier d’un suivi adapté. »
L’adolescent a finalement été hospitalisé en psychiatrie dès sa première audition. La question du discernement au moment des faits serait désormais au cœur de l’enquête judiciaire, selon Marie-Thérèse Lê Quang. « Est-ce qu’il y a eu discernement au moment où il a accompli son acte ? Toute la procédure va reposer sur cette évaluation du discernement. »