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Après Washington, il faut occuper Bruxelles : le discours de Viktor Orbán à la CPAC de Budapest

Dans un événement intitulé « L’Âge des patriotes » à Budapest le 27 mai, la très influente Conservative Political Action Conference (CPAC) a continué son opération d’expansion internationale. Mais cette fois-ci, de Wilders à Abascal en passant par Morawiecki, Alice Weidel ou l’Australien Abbott, ce rendez-vous ressemblait surtout à une assemblée de perdants.

Viktor Orbán — dont le parti est au plus bas dans les sondages depuis dix ans — y prononçait le discours principal.

Sur l’Union européenne, le fond n’a pas changé : complaisant à l’égard du Kremlin et jouissant des faveurs de la nouvelle administration américaine, les conservateurs hongrois ne seraient pas anti-européens — ils auraient simplement une stratégie « patriote » pour « occuper » Bruxelles.

Une inflexion notable s’est cependant installée dans cet argumentaire savamment construit par Orbán depuis 2018 : son projet pour l’Union repose et dépend de plus en plus explicitement du bon vouloir de Washington.

N’hésitant pas à reprendre presque textuellement certains éléments de langage de J. D. Vance ou Samuel Samson, il lance un appel à gagner les élections en Europe avec le soutien des États-Unis :

« Lorsque viendra la bataille décisive, nous devrons être unis. Mais pour l’instant, chers amis, nous devons tous gagner chez nous. 

Pour les Polonais, ce dimanche ; pour les Tchèques, à l’automne ; pour nous au printemps prochain ; et puis pour les Français — et alors nous aurons terminé. Nous pourrons commencer à reprendre Bruxelles, à remettre le pouvoir entre les mains des patriotes.

Pour cela, nous avons besoin de l’Amérique. Nous avons besoin de l’administration du président Trump et de ses succès. Nous avons besoin du démantèlement de la caste libérale américaine et bruxelloise — cet État profond transatlantique.

Nous avons besoin que le piège de l’argent libéral américain se referme.

En d’autres termes, les patriotes européens et américains ont besoin les uns des autres.

La mission est claire.

La tâche n’est pas si compliquée. »

L’année dernière, j’ai dit ici que Donald Trump gagnerait les élections américaines. Il a gagné.

Juste avant l’intervention d’Orbán — « keynote speaker » la CPAC hongroise — a été diffusé un message enregistré par Donald Trump depuis le bureau ovale de la Maison-Blanche à destination des membres présents à Budapest. 

Si la proximité d’Orbán et du président américain est sans cesse mise en avant par le Premier ministre hongrois depuis l’élection de Donald Trump, cette emphase a aussi des allures d’opération séduction alors qu’une partie de l’élite trumpiste voit d’un mauvais œil le rapprochement entre Budapest et Pékin soutenu par Orbán.

L’année prochaine, il y aura des élections en Hongrie. Y a-t-il d’autres questions ?

Pour la première fois depuis son ascension et son long règne, le Fidesz de Viktor Orbán est menacé : comme nous le rappelons, il est à son plus faible depuis une décennie alors que les prochaines législatives doivent se tenir dans un an. 

Le parti Tisza de son opposant Peter Magyar, fort d’une ascension éclair dans l’opinion, était au mois de mai à 41 % des intentions de vote contre 36 % pour le Fidesz.

Chers amis, bonjour ! Anciens et nouveaux membres de la CPAC, bienvenue ! 

Nous sommes très bien entourés cette année. Personne en Europe aujourd’hui ne pourrait réunir une meilleure compagnie. Merci de nous avoir réunis ! Nous avons aujourd’hui les dirigeants politiques les plus forts, les plus patriotes et les plus souverains d’Europe. De nombreux Américains sont également présents. Les dirigeants les plus durs, les plus déterminés et les plus expérimentés. Des gens qui se battent pour leur pays dans le monde depuis des décennies. Qui ont subi d’innombrables attaques, piques et campagnes de dénigrement. Qui savent qu’il n’y a pas de victoire sans souffrance. Qui savent que la victoire n’est pas seulement une chose pour laquelle il faut travailler — mais aussi une chose pour laquelle il faut souffrir. C’est ce que nous montre l’exemple du président Trump.

Les libéraux et les progressistes européens n’auraient pas pu supporter la moitié de ce que nos leaders ont enduré. Ils ont enduré, ils ont tenu bon, ils se sont levés quand il le fallait et ils ont gagné. Les libéraux européens pleureraient devant la moitié des attaques, s’enfuiraient et se cacheraient derrière les jupes des journalistes progressistes. Nos dirigeants ne se sont pas contentés de rester debout, ils ont accompli des choses fantastiques dans leur propre pays.

Je vois notre ami Matt Schlapp, c’est l’exemple même de la persévérance.

Ancien conseiller de George Bush et éditorialiste sur Fox New, Matt Schlapp est l’actuel chair de la CPAC. Par ailleurs accusé d’agressions sexuelles, il est au cœur de l’internationalisation de cette conférence et parfaitement intégré à l’écosystème trumpiste.

À partir de 2017, pendant la présidence de Trump, alors que sa femme Mercedes travaillait comme directrice des communications stratégiques de la Maison Blanche, Schlapp a été le principal moteur de l’expansion mondiale de la CPAC, qui a commencé à organiser des sommets au Japon, en Corée du Sud, en Australie, au Brésil, au Mexique et en Hongrie. Il est désormais l’animateur — encore peu connu du grand public — du plus important réseau de leaders conservateurs au monde.

Il a fait de CPAC une marque mondiale. À l’approche de la prochaine édition de cette conférence, les libéraux du monde entier trembleront. C’est lui qui a reconnu, à l’époque de Biden, que la source du renouveau intellectuel conservateur se trouvait en Europe centrale. Il a compris que ce que nous pouvons faire ici à petite échelle, à l’échelle de la Hongrie, peut être fait à grande échelle, en Amérique. Il a organisé la première réunion européenne de la CPAC en Hongrie. C’est grâce à lui et à notre ami Miklós Szánthó que nous sommes ici aujourd’hui. Merci beaucoup !

Je vois aussi Irakli Kobakhidze, un héros du mouvement patriotique international en Géorgie. 

Le premier ministre géorgien, soutenu par Viktor Orbán, a suspendu le processus d’adhésion de la Géorgie à l’Union en novembre dernier. Les élections présidentielles qui ont vu l’emporter le candidat de son parti, le Rêve géorgien, ont par ailleurs été contestées.

Irakli Kobakhidze est arrivé au pouvoir le 8 février 2024 après la démission de son prédécesseur Irakli Garibachvili. Ils appartiennent tous deux au parti Rêve géorgien, dont Kobakhidze occupait la présidence jusqu’à sa nomination. Ce remplacement à la tête du gouvernement coïncidait d’ailleurs avec l’annonce officielle du retour en politique de l’oligarque Bidzina Ivanichvili, fondateur du Rêve géorgien, ancien Premier ministre et considéré comme l’homme le plus influent de la politique géorgienne.

Il a remporté une élection contre le monde entier, contre le monde libéral. Il a éliminé les progressistes — il est rare qu’ils reçoivent une telle raclée. Et dans la foulée, il a créé le plus grand boom économique d’Europe. Tout cela, mes amis, alors que 20 % de son pays est sous les pieds de l’ours russe. Il n’a pas permis à Bruxelles de les pousser à la guerre. Il ne leur a pas permis de devenir le numéro deux de l’Ukraine. Quelle victoire ! Quel succès ! Bienvenue, Irakli !

Je vois aussi notre héros macédonien, Hrisztijan Mickoszki. Il a remporté les élections, mes amis, alors que tout Bruxelles soutenait son adversaire. Il est le capitaine de notre forteresse, qui défend les frontières méridionales de l’Europe contre l’immigration. Vivat, Macedonia !

Premier ministre de la Macédoine du Nord depuis juin 2024, le conservateur Hrisztijan Mickoszki a fait montre depuis le début de son mandat d’une proximité avec Viktor Orbán sans pour autant, comme son homologue géorgien, renoncer à voir son pays intégrer l’Union. À la CPAC de Washington en février dernier, il avait eu une position particulièrement dure contre l’Union — dénonçant ses « ingérences » dans un trope rhétorique à la J. D. Vance.

Aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, le Premier ministre slovaque Robert Fico s’adressera également à nous. N’oubliez pas qu’il est le plus coriace d’entre nous. On lui a tiré dessus cinq fois, il a failli recevoir une balle dans la tête. La clique libérale de rebelles, en colère, lui a tiré cinq balles. Et le voilà aujourd’hui qui se bat comme si de rien n’était. Le monde n’a jamais rien vu de tel ! C’est le plus grand comeback de l’Europe. Merci, Robert, de montrer l’exemple !

Je vois Andrej Babiš, ancien et futur Premier ministre de la Tchéquie.

L’actuel Premier ministre tchèque est pour l’instant en tête dans les sondages pour les prochaines élections qui se tiendront au mois d’octobre.

Cher Andrej, quel combat nous avons mené pendant des années, jusque tard dans la nuit, à Bruxelles ! Nous avons dû nous battre contre des premiers ministres pro-immigration disposant d’une énorme majorité. Andrej, la Hongrie est aujourd’hui une zone exempte de migrants. Nous n’aurions pas pu le faire sans vous. Merci et au plaisir de vous revoir !

Je souhaite la bienvenue à Santiago Abascal, notre héros espagnol.

Par ses connexions avec l’Amérique latine, le leader de VOX est devenu un chaînon central de l’internationale des conservateurs. En réunissant à Madrid les extrêmes droites mondiales il y a un an, Abascal s’était imposé comme le principal « pont transatlantique » du conservatisme avec Orbán.

Mes amis, aujourd’hui, en Espagne, nous subissons la répression la plus brutale. Certes, les Français et les Allemands n’ont pas à se plaindre, mais ce qui se passe en Espagne est sans précédent ! S’il s’agissait d’une compétition équitable, il y a longtemps que VOX serait en tête en Espagne, et ce moment n’est pas loin. Cher Santiago, bonjour Capitaine !

Et je vous demande, chers amis, d’accueillir Mateusz Morawiecki. Il nous vient d’un véritable champ de bataille. Dimanche, c’est l’élection présidentielle en Pologne. Vive Nawrocki ! 

Le second tour de la présidentielle en Pologne ce dimanche sera l’un des plus serrés : lire le portrait croisé des deux candidats.

Si vous voulez savoir, chers amis, ce qu’est une véritable démocratie libérale, demandez-lui ! Des choses incroyables se produisent en Pologne. Toutes les règles européennes et tous les principes constitutionnels sont foulés aux pieds. Et Bruxelles le tolère. Tolère quoi ? Elle le soutient ! Quelle honte ! Cela fait 35 ans que je fais de la politique européenne, mais je n’ai jamais vu de ma vie une chose aussi honteuse faite aux Polonais, ce qu’ils font au PiS. Les dirigeants de Bruxelles devraient s’en tenir là. Bienvenue, Mateusz !

Nous avons parmi nous la présidente Alice Weidel, qui représente la famille du parti de l’Europe des nations souveraines. Madame la Présidente, votre visite est particulièrement importante pour nous. Nous savons tous que notre principal adversaire à Bruxelles est un Allemand, Herr Weber. Hungarophobe, mesquin et vindicatif. Et il est bon pour nous, Hongrois, de voir qu’il existe des Allemands honnêtes qui aiment leur pays plus que Bruxelles. Bienvenue, Madame la Présidente !

Cible privilégiée de Viktor Orbán au Parlement européen, Manfred Weber dirige le Parti populaire européen depuis 2022 : il est aussi le principal artisan, après de longues tergiversations, de l’exclusion du Fidesz du groupe de la droite populaire européenne.

Nous avons aussi un grand combattant autrichien : Herbert Kickl. À son invitation, nous avons posé à Vienne la première pierre des Patriotes, sur laquelle ce grand parti s’est construit depuis. S’il y avait une justice, le chancelier d’Autriche s’appellerait aujourd’hui Herbert Kickl. Il a gagné les élections, ils lui ont juste volé la chancellerie. Cher Herbert, la politique n’est peut-être pas juste, elle n’est peut-être pas toujours juste, mais croyez-moi, il y a un équilibre moral. Ton heure viendra et nous aurons une grande fête à Vienne lorsque l’Autriche reviendra dans le club des pays patriotiques. Je vous souhaite la bienvenue !

Nous avons aussi dans cette salle nous un homme qui est le combattant le plus courageux d’Europe. Il a subi des épreuves extraordinaires. Il n’en parle jamais. Il ne le dit pas parce qu’il est modeste et parce qu’il est néerlandais — les Néerlandais pensent qu’il est indécent de parler de ses sentiments personnels. Notre héros néerlandais vit dans un danger permanent, dans l’ombre des menaces. Il est protégé par des gardes du corps. Il n’a pas un seul moment de répit — à part peut-être ici en Hongrie. Il est le numéro un sur la liste noire des fanatiques. Pendant ce temps, il ne reçoit pas un seul mot gentil de la part de ses propres compatriotes de gauche et progressistes, seulement des attaques. Voilà un homme qui ne se plaint pas, mais qui sert. Avec fermeté et sans broncher. Soyez le bienvenu ! Nous sommes fiers de vous, Geert Wilders !

Et nous avons des Français, des Israéliens, des chrétiens du Moyen-Orient, le président du Paraguay, Tony Abbott d’Australie. Tous de grands combattants et de grandes personnes. Je vous souhaite également la bienvenue ! Bienvenue en Hongrie !

Mes amis, quel changement en un an ! Un véritable retournement de civilisation ! Donald Trump a gagné, la tornade Trump a balayé le monde et l’a complètement changé. Il a redonné de l’espoir au monde. Nous ne sommes pas en train de nous noyer dans un océan de wokisme. Nous ne sommes pas submergés par les migrants. Il nous a redonné l’espoir d’une vie normale. Il nous a redonné l’espoir de la paix. Nombreux sont ceux qui l’ont aidé. Félicitations à ceux qui ont apporté leur concours à la fantastique victoire américaine. C’est le plus grand comeback que le monde occidental ait jamais connu. Le seul, le grand et beau comeback.

Mes chers amis, c’est une gifle pour la gauche qui. Nous sommes non seulement de retour mais fait ce qu’elle a promis à ses électeurs. J’observe moi aussi la scène avec incrédulité. Est-ce possible ? Est-ce possible non seulement en Hongrie ? Les 100 premiers jours du président Trump sont un véritable sérum de vérité, non seulement pour l’Amérique, mais aussi pour l’ensemble du monde occidental. Vous êtes ici illégalement ? Rentrez chez vous ! Il a aboli les réglementations en matière de genre. Il a banni la théorie critique de la race. Il a banni l’idéologie woke de l’armée. Il a fait tomber l’État profond. Il a démasqué le réseau libéral mondial. Tout ce que nous pensions être vrai s’est avéré être vrai : agents secrets, institutions de l’ombre, machines de blanchiment d’argent, financement de la politique et des politiciens dans des pays étrangers — y compris la Hongrie. Tout l’empire Soros se tient nu devant nous ! Le roi est nu ! C’est un spectacle hideux.

L’obsession pour George Soros est un vieux lieu commun, teinté d’antisémitisme, qui se retrouve évidemment dans la Hongrie d’Orbán mais aussi dans les cercles trumpistes : « les milliardaires et l’establishment vont aux mêmes soirées chics dans les Hamptons chez Georges Soros. Ils sont tous progressistes, ils sont tous démocrates — tous les héritiers des anciennes dynasties sont d’ailleurs progressistes » dans les mots de l’idéologue trumpiste Curtis Yarvin.

Chers amis, la lumière brille enfin dans les coins les plus sombres. Il y a aussi un grincement effrayé. Ici aussi, en Hongrie aussi. Voici la nouvelle loi : quiconque s’occupe de politique ne peut accepter d’argent de l’étranger. C’est aussi simple que cela. Et l’espoir de paix est revenu. Espérons que bientôt, des centaines de personnes ne mourront plus chaque jour sur le front. Espérons que nous n’aurons plus à tirer sur les villes. Et espérons que nous n’aurons pas à déverser des milliards de dollars dans une guerre ingagnable. La victoire de Donald Trump et la chute des libéraux sont comme un rêve. Les États-Unis peuvent être sauvés et le rêve américain peut revenir.

La fin du texte d’Orbán est un « morceau de bravoure » typique des longs discours du dirigeant hongrois.

Dans cette nouvelle tirade sur l’Union européenne, il reprend un poncif éculé en opposant un « projet libéral » et un « projet patriote » : les conservateurs devraient partout remporter les élections pour reprendre le pouvoir et « occuper Bruxelles ».

La nouveauté, très marquée dans ce discours, est qu’il semble désormais admis pour le Premier ministre hongrois que les États-Unis de Donald Trump doivent jouer un rôle de premier plan dans cette opération.

Mais qu’en est-il de nous ? Qu’en est-il du rêve des Européens ? 

Nous aussi, nous avions un rêve. Notre rêve européen était que si nous, les peuples d’Europe, nous unissions, il n’y aurait plus de guerre, nous vivrions dans la prospérité et la sécurité. 

Travaillons ensemble, laissons les États souverains s’unir et créons le continent le plus sûr et le plus développé du monde. Ce serait l’Union européenne, l’intégration européenne. 

Mais, mes amis, ce rêve a été détourné. Il a été détourné par Bruxelles. Il a fait dérailler notre avenir. Au lieu du rêve européen, nous avons un cauchemar. Les citoyens européens ne se sentent pas en sécurité dans leur propre pays, dans leur propre ville, dans leurs propres rues. Ils sont devenus des étrangers là où, il y a vingt ans, ils étaient chez eux. C’est mathématique : ils sont poussés hors de leurs villes. Il ne s’agit pas d’intégration, mais d’un échange organisé de populations. Au lieu de la prospérité européenne, les entreprises font faillite. Nous payons l’électricité et le gaz deux à quatre fois plus cher qu’aux États-Unis. Le Green Deal est en train de tuer nos économies. Il devient peu à peu une parodie. Et maintenant, alors que nous sommes censés négocier le commerce et les droits de douane avec un président américain qui combat dans la catégorie des poids lourds, il s’avère que nous n’avons que des dirigeants poids plume. Et c’est la liberté européenne qui s’en va. Les choses se gâtent en Europe. La lutte pour le pouvoir la plus vicieuse est en cours. Ils ne connaissent ni Dieu ni l’homme. Marine Le Pen est disqualifiée de la présidence par une décision de justice. Salvini est traîné devant les tribunaux. L’AfD fait l’objet d’une enquête de sécurité nationale. Les rassemblements de patriotes sont violemment bloqués. Des voyous communistes de gauche attaquent des gens de droite. J. D. Vance a raison : aujourd’hui, en Europe, la liberté n’est pas menacée de l’extérieur, mais renversée de l’intérieur. Et tout le monde voit bien qu’il y a des problèmes. L’ensemble est en train de vaciller et de s’effondrer. Il faut changer. Cela ne peut plus durer ! Nos adversaires le savent.

Orbán reprend encore une fois très explicitement les articulations rhétoriques portées par l’administration Trump et que nous avons documentées dans la revue en commentant le discours de J. D. Vance à Munich, la tentative téléguidée par la Heritage Foundation et portée par des think tanks hongrois et polonais de subvertir l’Union ou encore le récent appel au changement de régime en Europe lancé par le Département d’État américain.

Mes amis,

Deux projets sont sur la table.

L’un est le projet libéral pour l’Europe, l’autre le projet patriotique.

Le projet libéral considère l’ancienne Europe chrétienne et culturelle comme obsolète. Ils veulent la dépasser. Ils travaillent depuis des décennies à la fabrication d’une nouvelle identité pour remplacer le christianisme et la nation. Au début — je me souviens — ils agitaient l’étendard de la prospérité : laissez tomber vos traditions et l’Europe sera un monde de consommation heureuse et effrénée. Cela n’a pas marché. Ensuite, on nous a dit que l’Europe serait un continent d’inclusion. Et nous en sommes arrivés au point où les matchs de football a dû jouer ses matchs à Budapest plutôt qu’à Bruxelles. Et maintenant, après la victoire de Trump, voici une autre idée : l’Europe veut être le bastion de l’empire libéral mondial. Après Washington, Bruxelles est leur nouvelle Mecque.

Mes amis,

Le principal problème de Bruxelles n’est pas qu’elle soit dominée par des bureaucrates libéraux progressistes. Le principal problème est que Bruxelles est favorable à la guerre. 

Alors que les États-Unis sont enfin devenus favorables à la paix, Bruxelles est coincée dans la guerre.

Le projet libéral est de centraliser l’Europe sous prétexte de guerre. 

Plus il y a de guerre, plus il y a de Bruxelles — et encore moins de souveraineté. Le projet libéral, c’est que l’Europe construise un nouveau modèle économique, un modèle d’économie de guerre — sous prétexte de guerre. Dans leur esprit, la guerre est le moteur de l’économie. Endettement commun, contrôle central et trésor de guerre.

La clef de ce plan libéral est l’Ukraine.

L’adhésion accélérée de l’État ukrainien à l’Union européenne est le prétexte à la réorganisation guerrière de l’Europe. Le projet libéral conduit à une Europe en guerre, centralisée et endettée, sans autre liberté que l’obéissance.

En faisant passer le conflit en Ukraine — le plus meurtrier d’Europe depuis la Seconde guerre mondiale — comme un simple instrument du « plan libéral », Viktor Orbán reprend presque textuellement une partie des éléments de langage du régime de Vladimir Poutine.

Voilà le problème avec la Hongrie ! Les Hongrois sont une race libre, ils se reproduisent librement, et nous avons du mal à plier les genoux. Au lieu d’obéir et de se soumettre, elle s’en prend à sa propre tête. 

Nous aussi, nous avons aussi un plan : le projet patriotique.

Il se compose de quatre points.

Premièrement, nous voulons la paix. Nous ne voulons pas d’un nouveau front oriental, et donc nous ne voulons pas que l’Ukraine devienne membre de l’Union européenne.

Deuxièmement, nous voulons la souveraineté. Nous ne voulons pas d’impôts communs, nous ne voulons pas d’emprunts communs et nous ne voulons pas de contrôle économique central. Et nous ne voulons pas que notre argent soit envoyé dans une guerre dans un pays tiers.

Troisièmement, nous devons défendre la liberté. Nous devons rendre aux gens leur liberté politique, leur liberté de pensée et leur liberté d’opinion.

Quatrièmement, nous voulons reprendre l’Europe aux migrants. Nous voulons une culture chrétienne, des écoles nationalistes, des rues et des quartiers sans peur. Nous voulons être fiers de nos nations. Tel est le projet patriotique.

Mesdames et Messieurs, chers amis,

La politique européenne d’aujourd’hui et des années à venir se résumera à la question de savoir quel plan l’emportera.

Cette bataille doit être gagnée d’abord par chacun dans son pays, puis ensemble à Bruxelles. Les élections européennes de l’année dernière ont été un succès retentissant. 

En réalité, les résultats pour la Hongrie aux Européennes 2024 ont été bien plus nuancés que ce que clame Orbán.

Alors que, sans surprise, son parti Fidesz était arrivé en tête, le score élevé de Péter Magyar, ancien membre du gouvernement qui a lancé un mouvement d’opposition avait mis en difficulté le pouvoir — qui réalisait par ailleurs un moins bon score que lors des Européennes 2019.

Si j’additionne les trois groupes de droite, nous sommes plus importants que le PPE.

Si cette donnée est factuellement vraie — de quatre sièges — elle met surtout en lumière une contradiction très forte du « projet patriote » : sa profonde division en Europe. Ancien membre banni du Parti populaire européen, Orbán inclut dans son décompte le groupe le plus extrémiste, l’Europe des Nations Souveraines, qui comprend notamment Reconquête et l’AfD après que celle-ci eut été obligée de quitter les rangs d’ID.

Bien sûr, la politique n’est pas qu’une affaire d’arithmétiques, mais la perspective est claire. Nous devons travailler ensemble. 

Lentement, pas à pas, sûrement. 

Lorsque viendra la bataille décisive, nous devrons être unis. Mais pour l’instant, chers amis, nous devons tous gagner chez nous. 

Pour les Polonais, cher Mateusz, ce dimanche, pour les Tchèques, cher Andrei, à l’automne, pour nous au printemps prochain, et puis pour les Français — et alors nous aurons terminé. Nous pourrons alors commencer à reprendre Bruxelles, à remettre le pouvoir entre les mains des patriotes.

Pour cela, nous avons besoin de l’Amérique. Nous avons besoin de l’administration du président Trump et de ses succès. Nous avons besoin du démantèlement de la caste libérale américaine et bruxelloise — cet État profond transatlantique.

Nous avons besoin que le piège de l’argent libéral américain se referme.

En d’autres termes, les patriotes européens et américains ont besoin les uns des autres.

La mission est claire.

La tâche n’est pas si compliquée.

Nous devons rentrer chez nous et gagner chacun nos propres élections — gagner, tout simplement. Le reste se fera tout seul.

À la suite de l’Amérique, nous, Européens, nous reprendrons nos rêves et nous occuperons Bruxelles.

Rendre à l’Europe sa grandeur ! Allez, Hongrie, allez, Patriotes ! Que Dieu sauve la Hongrie !

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Auteur : Matheo Malik

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Artia13

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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