Energie et Climat

À Sellafield, la centrale nucléaire croule sous ses déchets radioactifs

Une centrale nucléaire emblématique, mais vieillissante

Le 4 juin 2025, le Public Accounts Committee du Parlement britannique a publié un rapport accablant sur l’état de la centrale nucléaire de Sellafield, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Décrit comme « le bâtiment le plus dangereux du Royaume-Uni », le site abrite notamment le Magnox Swarf Storage Silo (MSSS), un bâtiment de stockage construit dans les années 1960 pour contenir les déchets des anciens réacteurs Magnox. Problème : il fuit 2 100 litres d’eau contaminée chaque jour, selon les calculs du National Audit Office (NAO).

Cette pollution radioactive chronique, qui dure depuis 2018, pourrait se poursuivre jusqu’à la fin des années 2040, au minimum. Or, ces effluents sont hautement contaminés et nécessitent des infrastructures de captation, de traitement et de stockage secondaire, elles-mêmes sur le déclin.

Une gestion atomisée : budgets colossaux, progrès minimes

Le démantèlement du site est une entreprise titanesque, à la fois sur le plan technique et budgétaire. Le coût total est aujourd’hui estimé à 136 milliards de livres sterling, soit environ 161,6 milliards d’euros, avec une échéance de fin de chantier fixée à… 2125. Oui, un siècle pour décontaminer une centrale.

Le NAO note l’absence de “mesure globale de l’avancement” dans la désaffectation du site, soulignant que 13 années de retard ont déjà été accumulées pour la récupération de certains déchets les plus critiques. Cette dérive témoigne d’un pilotage chaotique du dossier énergétique britannique, dans lequel la gestion des matières nucléaires échappe à tout calendrier réaliste.

Des silos qui fuient et un État qui temporise

Le MSSS n’est pas un cas isolé. D’autres installations du site présentent également des défauts structurels : fissures, corrosion, vétusté des conduits. Le PAC dénonce une « culture du secret et de l’optimisme irréaliste » à tous les niveaux de la chaîne décisionnelle.

Derrière les murs de béton armé, c’est tout un système énergétique centralisé qui révèle ses failles : sous-traitances opaques, retards non signalés, erreurs de planification, et absence de stratégie de transition énergétique adossée au démantèlement. Le député Geoffrey Clifton-Brown résume : « Sellafield présente des risques intolérables pour l’environnement, la sécurité publique et l’économie. »

Entre discours rassurants et condamnations judiciaires

Officiellement, la Nuclear Decommissioning Authority (NDA) martèle que « la sécurité reste la priorité absolue ». Dans les faits, les manquements sont nombreux. En juin 2024, Sellafield Ltd a été condamné à une amende de 332 500 livres pour trois violations majeures des règles de cybersécurité sur la période 2019-2023. Le site n’a pas su empêcher l’accès non autorisé à ses systèmes critiques.

Cette insécurité numérique, ajoutée à l’usure physique du site, jette une lumière crue sur les vulnérabilités persistantes du secteur énergétique nucléaire. Dans un contexte d’électrification massive et de réindustrialisation, ces failles risquent de devenir des points d’instabilité majeurs du mix énergétique britannique.

Une centrale nucléaire au cœur de la crise énergétique britannique

Sellafield, héritage du programme nucléaire civil britannique des années 1950, est devenu un fardeau structurel pour l’État. Il concentre à lui seul 75 % du passif radioactif du Royaume-Uni. Le site traite, entrepose ou reconditionne des matières nucléaires hautement instables, mais sans disposer d’une solution définitive de stockage. L’absence de site géologique profond rend tout projet de sécurisation structurelle impossible à moyen terme.

Plus inquiétant encore : aucune stratégie de gestion à long terme n’a été rendue publique pour encadrer les prochaines décennies de démantèlement.

Énergie nucléaire : promesse ou bombe à retardement ?

Le cas Sellafield agit comme un révélateur brutal des limites de la filière nucléaire, trop souvent présentée comme un pilier incontournable de la transition énergétique. Derrière les promesses d’un avenir bas-carbone se cache un legs industriel explosif, dont les coûts et les risques sont désormais hors d’échelle.

La gestion post-exploitation est devenue le talon d’Achille du nucléaire. À Sellafield, le « coût du kWh » ne se mesure plus seulement en euros, mais en générations futures.

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Auteur : Amandine Leclerc

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Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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