80 ans après son exécution, Mussolini agite toujours l’Italie


Benito Mussolini, le « Duce », fondateur du fascisme, chef de l’Italie entre 1922 et 1943, exécuté il y a 80 ans, n’a jamais été autant d’actualité dans le pays. Ou plutôt, sa figure n’a jamais disparu et irrigue une partie de la société italienne, sa politique, sa culture et son imaginaire. Comment l’expliquer ? 20 Minutes revient aux sources.

Sur des tasses de café, des banderoles d’« ultras » de certains clubs de foot, sur des drapeaux brandis par des fidèles près de la tombe du dictateur, on peut retrouver, dans l’Italie d’aujourd’hui, le visage sévère de Mussolini. Mais pas seulement sur des objets. « J’ai grandi en Italie, et on peut dire qu’il y a une nostalgie de Mussolini et de la période fasciste jusqu’à l’alliance avec l’Allemagne nazie, évoque l’Italien Andrea Martini, 35 ans, chercheur postdoc à l’université Paris-8. Une grande partie des Italiens pensent que le fascisme a fait des choses efficaces pour le pays, avant qu’il ne change de visage à partir de 1936, puis 1938 avec les lois antisémites », continue l’historien.

« Une dictature qui a aussi apporté des bénéfices »

Cette appréciation imprègne largement la société. Pour 66 % des jeunes Italiens de 16 à 25 ans, le régime fasciste a été « une dictature à condamner en partie, mais qui a aussi apporté des bénéfices », selon un sondage Ipsos Italie publié en 2021 pour l’association italienne des déportés dans les camps nazis. Moins d’un tiers (29 %) des sondés jugeait le régime « complètement condamnable ».

Cet héritage de la période fasciste est aussi matériel. « L’empreinte du fascisme est omniprésente dans l’espace urbain italien », rappelle l’historien Stéphane Mourlane, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Aix Marseille. A Rome, au Foro Italico, vous trouvez des monuments, des statues et des mosaïques avec l’inscription « DVCE » ». Ce patrimoine architectural fasciste parcourt tout le pays, tel le tribunal de Milan, la piazza Matteotti à Naples ou le palais des postes à Palerme, et pose la question de sa réhabilitation.

Aux sources de la « nostalgie » de la période fasciste

Pourquoi la mémoire de Mussolini reste-t-elle si présente dans la Botte ? Les raisons sont historiques. Au contraire de l’Allemagne, où une vaste entreprise de dénazification fut entreprise, rien de tel dans la Botte. « Après 1945, il n’y a pas eu en Italie d’entreprise de dé-fascisation, précise l’historien Olivier Forlin*, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Grenoble Alpes. La mémoire du nazisme a fait écran. Les responsabilités du régime fasciste ont été reportées sur le nazisme ».

L’idée d’un Mussolini « pas directement responsable », l’absence de grands procès ou d’analyse critique de la politique coloniale italienne « n’ont pas permis un examen collectif de la société italienne sur les responsabilités », ajoute l’historien spécialiste du fascisme. « Il n’y a pas eu ce travail de mémoire après-guerre, ou l’idée que ce fut une parenthèse, comme la France considère Vichy », met en parallèle Stéphane Mourlane.

« Un révisionnisme soft »

Et dans les décennies suivantes ? Les années 1990 voient, en Italie, une grave crise politique qui disloque les partis d’après-guerre et leur personnel politique. La République italienne, qui reposait notamment sur l’antifascisme, est alors fragilisée. Sur les ruines sont créés plusieurs partis, dont le parti de droite Forza Italia avec Silvio Berlusconi, mais aussi les formations d’extrême droite Ligue du Nord et Fratelli d’Italia, issu du Mouvement social italien, néofasciste.

« Ces partis vont puiser dans le passé des éléments pour relégitimer des valeurs, précise l’historien Olivier Forlin. C’est le cas de l’idée nationale, discréditée en 1945 car liée au fascisme. S’est alors opérée une relecture du passé fasciste. » « C’est du révisionnisme soft, avec la construction de mythes sur cette période, ajoute Stéphane Mourlane. Silvio Berlusconi, à la tête du puissant parti Forza Italia, lance alors que  » Mussolini n’a jamais tué personne « . Lui, et d’autres, ont permis aux héritiers des fascistes de se réinventer en Italie ».

Des paroles et des symboles

Des lointains héritiers, qui, aujourd’hui, sont au pouvoir. A l’issue des élections parlementaires de 2022, Giorgia Meloni, de la formation d’extrême droite nationaliste Fratelli d’Italia, a été nommée présidente du Conseil des ministres. Si la dirigeante italienne a plusieurs fois assuré que son parti n’a plus rien à voir avec le fascisme, les symboles hérités de l’époque de Mussolini – dont la flamme tricolore du logo de son parti –, eux, restent. Parmi ses proches, Ignazio La Russa, autre cofondateur de Fratelli d’Italia, grand collectionneur de bustes de Mussolini. Celui qui avait déclaré que « nous sommes tous les héritiers du Duce » a été élu, en octobre 2022, à la présidence du Sénat.

Le gouvernement est régulièrement critiqué pour sa tentative de minimiser l’importance de l’antifascisme dans la culture politique italienne. « Le gouvernement et la droite ne veulent pas faire les comptes du passé. Ils disent qu’il faut arrêter de parler du fascisme, passer à autre chose », souligne Andrea Martini. « Le décès du pape tombe opportunément pour le gouvernement italien, car le 25 avril est la fête de la Libération de l’Italie, c’est-à-dire la victoire des partisans italiens et des armées alliées contre le régime fasciste et les nazis, commente l’historien Stéphane Mourlane. Pas vraiment le passé que le gouvernement souhaite célébrer ».

Notre dossier sur Georgia Meloni

Les choses changent-elles en Italie ? Si depuis les années 1990, les historiens italiens ont engagé un travail de mémoire minutieux sur la période fasciste, leurs travaux ont été pris une autre dimension avec l’œuvre d’un professeur de littérature. Antonio Scurati est l’auteur de la pentalogie M, L’enfant du siècle (traduit aux éditions Les Arènes), qui narre l’ascension de Benito Mussolini, de la création en 1919 de son mouvement politique, les Faisceaux italiens de combat, jusqu’au tournant dictatorial de 1925.

En janvier, la mise en ligne de la série « Mussolini : Son of the century », adaptée de ses ouvrages, a rassemblé plus d’un million de téléspectateurs et suscité de violentes protestations à droite et à l’extrême droite. « Mesurer l’effet de l’œuvre de Scurati sur la société italienne n’est pas facile aujourd’hui, estime Andrea Martini. Mais il a très certainement aidé les historiens qui travaillent sur la période fasciste depuis des décennies ». Pour l’historien Stéphane Mourlane, « le succès de Scurati révèle une forme de fascination toujours à l’œuvre en Italie ».

* Olivier Forlin est notamment l’auteur de Le fascisme. Historiographie et enjeux mémoriels aux éditions La Découverte.



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