Santé

Une gifle, un traumatisme crânien, 10 mois de prison : un simple pet vire au drame entre deux marginaux fragiles

l’essentiel
Une altercation pour un motif a priori anodin a dégénéré et fini à l’hôpital pour de sérieuses blessures de l’un des protagonistes ; l’autre était jugé ce vendredi 16 mai au tribunal correctionnel de Foix pour ces violences.

D’un pas lourd, Charlie s’avance dans le box des accusés du tribunal judiciaire de Foix, ce vendredi 16 mai. Cheveux poivre et sel, barbe fournie, un t-shirt blanc habillant son corps imposant : l’homme se présente devant la justice pour des faits remontant au 19 mars.

C’est pour des « faits futiles », comme les qualifiera la procureure Elodie Girardelli, que l’altercation se produit devant l’accueil de jour de Foix. Les deux « collègues » sont assis sur un banc quand Charlie lâche un pet aux côtés de son ami. Offusqué, ce dernier s’emporte, le traite de « gros porc », le somme de « dégager ». Le ton monte entre les deux : Charlie ne voulant pas quitter le banc, Malcolm lui décroche un coup de pied dans les côtes. Charlie « arme son bras », selon un agent d’animation de l’accueil, et assène une claque, paume ouverte, à Malcolm, qui « tombe raide par terre ». Résultat : traumatisme crânien, syndrome post-commotionnel, fracture de la clavicule, et une ITT de 10 jours accordée par un médecin légiste.

« J’ai eu une peur viscérale »

Un geste d’énervement que Charlie regrette bien aujourd’hui, même s’il tente de se justifier tant bien que mal. « Il m’a donné un gros coup de pied. J’ai été frappé par mon père quand j’étais petit, j’ai eu très peur, mais ce n’était pas un très gros coup. » « Il est tombé KO au sol, et vous pensez que c’était une petite touche ? », rétorque la présidente Pauline Chaulet. Le grand gaillard, élocution pâteuse mais réflexion claire, se repend : « Rétrospectivement, j’aurais dû me lever et partir, désamorcer la situation, mais j’ai voulu faire le fanfaron. »

Mais comment expliquer cet acte soudain de violence ? Charlie esquisse un semblant de réponse. « Sur le moment, je me suis senti aussi impuissant que l’enfant que j’étais, j’ai eu une peur viscérale. » Le trentenaire, maltraité par son père, a quitté la maison de sa mère il y a deux ans, se sentant comme une charge pour elle. « J’ai voulu me faire hospitaliser d’urgence deux fois, mais à chaque fois les docteurs m’ont laissé repartir avec une ordonnance. C’est dur de prendre les médicaments quand on est à la rue, à horaire régulier », déplore-t-il.

Plusieurs diagnostics sont posés : une schizophrénie pour laquelle il est mis sous antipsychotiques, des traits borderline avec un fond anxieux aussi évoqués par la psychiatre qu’il a vue en détention. La présidente avance une potentielle bipolarité, tout comme elle pointe sa consommation de drogues : « Vous preniez quoi ? » « Oh, tout ce qui passait, répond candidement le trentenaire. J’étais accro à tout franchement. » Un marasme dont il veut pourtant se sortir, après 6 condamnations déjà, pour des faits de violence, de vol aggravé ou de conduite sous stupéfiants. « En prison, j’ai parlé à la psychologue, ça m’aide parce que j’ai besoin d’évacuer toutes mes émotions. Quand c’est tumultueux, j’ai du mal à gérer », reconnaît-il.

Légitime défense ou pas ?

Si Maître Fabbri, avocat de Malcolm, ne surcharge pas Charlie, une personne tout aussi « fragile » que son client, il rappelle tout de même les blessures sérieuses que ce dernier a subies. « Ce n’est pas quelqu’un de fort Malcolm, il est grand, fin, il tangue un peu sur ses jambes, dépeint-il. Il a vociféré, montré son mécontentement, mais ce n’était absolument pas une agression physique. »

Comme lui, la procureure Elodie Girardelli désamorce la stratégie de légitime défense qui sera plaidée par le conseil de Charlie. Immédiateté, nécessité et proportionnalité de la réponse face à un danger imminent, sont les éléments requis pour cette circonstance atténuante ; mais pour la représentante du parquet, les deux dernières conditions ne sont pas réunies. « Si les faits sont graves et la réaction disproportionnée, il y a tout de même la volonté de s’inscrire dans des soins », argue toutefois la magistrate, qui demande pour ces raisons une peine mixte : 10 mois de prison, dont 4 avec maintien en détention et 6 assortis d’un sursis probatoire, en plus d’une obligation de soins, d’une interdiction de contact avec Malcolm et de travaux d’intérêt général.

Si le ministère public et la partie civile ont anticipé sa défense, Maître Faubert fait quand même valoir ses arguments pour la légitime défense. « Les conséquences de ce geste sont dramatiques, et Monsieur les regrette. La nuit suivante, il n’a pas pu dormir, de peur de voir Malcolm revenir en fauteuil roulant. » Pour autant, souligne l’avocate, « Malcolm a dit qu’il était hors de lui aussi. Charlie a eu peur, une peur qui fait écho à ses traumatismes d’enfance. » Si la légitime défense n’est pas retenue, alors la robe noire demande de ramener le sursis probatoire à de plus justes proportions.

Si le tribunal n’accédera pas à ses demandes, elle infligera à Charlie une peine légèrement plus clémente que demandée par le ministère public : 10 mois de prison, dont 8 avec sursis probatoire, une obligation de soins et une interdiction de contact avec Malcolm.

*Le prénom a été modifié

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Artia13

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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