Scandale des eaux Perrier : « l’Etat n’a rien fait pour amener la transparence ! », un rapport sanitaire défavorable modifié et « édulcoré » pour protéger le groupe Nestlé
Des échanges entre plusieurs ministères, le préfet du Gard et l’agence régionale de santé d’Occitanie révèlent qu’un rapport sanitaire défavorable à Nestlé Waters a été en grande partie vidé de sa substance pour protéger la multinationale suisse.
Des échanges entre des ministères, la préfecture du Gard et l’ARS Occitanie prouvent qu’un rapport sanitaire, défavorable à Nestlé Waters, a été en grande partie réécrit avec des éléments de langage fournis et approuvés par la multinationale, révèlent ce lundi la cellule investigation de Radio France et Le Monde, qui ont eu accès au rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la fraude aux eaux minérales.
VOIR : l’essentiel du rapport du Sénat.
Le rapport met en évidence une « collusion » entre les services de l’Etat et le groupe Nestlé pour modifier un rapport sanitaire préoccupant sur cette affaire de fraude aux eaux minérales naturelles dévoilée en février 2025 par la cellule investigation des deux médias et donc « masquer la vérité ».
Alexandre Ouizille, sénateur rapporteur, dénonce « la manière dont l’État a géré les choses, l’État est rentré dans une logique transactionnelle ».
Il ne s’est pas comporté comme l’édicteur de la norme, garant de l’intérêt général qu’il doit être. Il est rentré dans une discussion avec Nestlé, il a dissimulé au grand public cette fraude. L’Élysée est au courant depuis 2022, le ministère de l’Industrie l’est depuis 2021.
Alexandre Ouizille, sénateur PS (Oise), rapporteur de la commission.
Grâce au témoignage d’un lanceur d’alerte, les conclusions du rapport révèlent en effet comment plusieurs ministères (Santé et Industrie), mais aussi un préfet, et le directeur de l’agence régionale de santé d’Occitanie, Didier Jaffre, ont accepté de modifier, à la demande de Nestlé, un rapport sur la qualité sanitaire des forages exploités à Vergèze dans le Gard, où est produite la marque Perrier.
Et ce « afin de dissimuler la contamination de forages contaminés par des bactéries, mais aussi des herbicides et des métabolites de pesticides, parfois interdits depuis des années », et ce malgré les protestations d’au moins un fonctionnaire, qui a décidé de retirer sa signature pour ne pas cautionner la manœuvre.
« C’est très grave ce qu’il s’est passé », insiste Alexandre Ouizille, sénateur PS et rapporteur de la commission d’enquête. « À tel point que le fonctionnaire instructeur, celui qui a travaillé sur le rapport, demande le retrait de sa signature et alerte », assure le sénateur.
« Ce rapport, n’est que la conséquence de l’ensemble d’une audition, on a bien vu qu’à un moment donné, l’Etat, ayant eu connaissance par l’industrie de la microfiltration, n’a rien fait pour amener de la transparence dans ce dossier-là. C’est très clair et que ce rapport pointe cela, alors que le ministère de la Santé et la Direction générale de la Santé avaient une volonté de faire la transparence », renchérit Laurent Burgoa, sénateur LR du Gard et président de la commission d’enquête sénatoriale.
Commission que Nestlé Waters a tenté de remettre en cause.
L’industriel a essayé toujours de contourner l’ensemble des obstacles, il a même contesté la pertinence de la commission d’enquête du Sénat.
Laurent Burgoa, sénateur LR du Gard et président de la commission d’enquête.
« J’ai vécu des moments compliqués avec des lettres chaque semaine d’avocats disant que cette commission d’enquête n’aurait pas dû avoir lieu. La commission d’enquête avait été validée par la commission des lois du Sénat… », ajoute Laurent Burgoa.
Des échanges de mails prouvent également l’inquiétude d’agents du contrôle sanitaire concernant l’absence de preuves de destruction de lots de bouteilles de Perrier contaminées.
Alexandre Ouizille appelle désormais à « une saisie immédiate de l’ANSES [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail] » et à « une réponse nationale claire, cadrée » sur ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas.
Pour Laurent Burgoa, il faut « déboucher maintenant sur un travail législatif, pour élaborer une proposition de loi, une proposition de résolution, pour clarifier les normes, et apporter beaucoup plus de transparence ».