« Rester en France, ma vie en dépend » : double greffé du foie au CHU de Lille, Karim Kafouni se bat contre une OQTF

Double greffé du foie et suivi en France depuis plus de 20 ans, Karim Kafouni, un Marocain, est sous OQTF depuis mars 2023. Assurant que c’est une question de « vie ou de mort », il se bat pour faire annuler cette obligation de quitter la France.

C’était il y a deux ans, mais Karim Kafouni le vit encore dans sa chair. Double greffé du foie, et installé à Villeneuve d’Ascq depuis 2017, il reçoit en mars 2023 une OQTF (obligation de quitter le territoire français).

À la réception de cette lettre, c’est un véritable coup de massue qui s’abat sur le quinquagénaire marocain. « Je ne suis pas en France pour des raisons économiques d’immigration, mais par nécessité, ma vie en dépend » explique-t-il.

C’est en 2002 au CHU de Lille, que Karim Kafouni est transplanté une première fois.

De retour dans son pays, le suivi des médecins locaux n’est pas « satisfaisant ». Il enchaîne donc pendant 15 ans des allers-retours entre le Maroc et le France pour l’achat de médicaments et faire ses contrôles.

Tout bascule en 2017. Le corps de Karim Kafouni fait un rejet. Évacué d’urgence, il fait une hémorragie dans l’avion et tombe dans le coma. Dans un premier temps, il est pris en charge durant cinq jours dans un hôpital à Bruxelles. Par la suite transféré à Lille, il reçoit une deuxième greffe du foie en mai 2017.

« Mon médecin s’est inquiété et m’a demandé ce que je faisais au Maroc. Il m’a dit que c’était une question de vie. », raconte Kafouni.

Mon médecin s’est inquiété et m’a demandé ce que je faisais au Maroc. Il m’a dit que c’était une question de vie.

Karim Kafouni, double greffé du foie au CHU de Lille

Après cet échange, l’ancien cadre financier au port de Casablanca s’installe à Villeneuve d’Ascq. Une décision qui n’était pas « évidente », mais « vitale » précise-t-il. « Ma femme et mes trois filles sont restées au Maroc, elles me manquent, mais pour ma santé, pour ma vie, je ne peux pas prendre le risque de retourner dans mon pays ».

Karim Kafouni conteste son OQTF devant le tribunal administratif de Lille, qui rejette sa demande. Il interjette appel devant la juridiction d’appel de Douai et fournit certificats médicaux qui « attestent que je dois rester en France pour ma survie » affirme-t-il.

Son appel est rejeté. Après avoir un temps pensé à se pourvoir en cassation, il abandonne. Pour justifier l’OQTF, l’administration se base sur un rapport du collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

Ce document stipule que « l’état de santé du patient est bon et qu’il peut bénéficier d’un suivi adapté à son état de santé dans son pays d’origine » raconte-t-il.

Le plateau technique du Maroc est souvent cité en exemple comme un des meilleurs du continent. D’après les médias locaux, la première greffe du foie d’un donneur vivant au Maroc a été réalisée en 2015. Mais cette transplantation et celles qui ont suivi l’ont toujours été par des équipes marocaines et étrangères. « J’ai un traitement qui est adapté à mes pathologies. Je suis également diabétique, et après chacune de mes visites chez le médecin, mon protocole change. J’ai aussi de l’anti-rejet que je ne peux pas trouver au Maroc » précise Karim.

Après son OQTF et depuis l’expiration le 22 avril dernier de son autorisation provisoire de séjour, Karim Kafouni qui était Trésorier de Transhépate (association des malades et transplantés hépatiques) ne peut plus travailler. Il a également perdu ses aides et n’a plus revu sa famille depuis deux ans. « Je suis dans la détresse totale, c’est dur » soupire-t-il.

Le double greffé du foie multiplie les correspondances. « J’ai envoyé une lettre au préfet pour demander une rencontre d’urgence. J’ai également contacté le maire de Villeneuve d’Ascq ». En vain. En dernier recours, Karim Kafouni va se tourner dès la semaine qui vient vers les associations.