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Le budget de la Culture est-il en hausse ou en baisse ?

« Il n’y a pas eu de coupe budgétaire au ministère de la Culture ». La phrase a été martelée par la ministre Rachida Dati dans la matinale de France Inter mercredi 7 mai. Une dizaine de jours auparavant, pendant la nuit des Molières, la ministre avait déjà été interpellée sur scène par des comédiens qui dénonçaient une nouvelle coupe budgétaire de plus de 100 millions d’euros passée à bas bruit à la fin du mois d’avril. La ministre criait « faux » du fond de la salle. Elle a refait la même chose à la radio. Selon elle, non seulement son budget n’a pas subi de coupe, mais en plus, il est en hausse. Vrai ou Faux ?

114 millions de moins dans la « réserve de précaution »

D’abord, y a-t-il eu une coupe budgétaire ou non ? Sur ce point, les comédiens et Rachida Dati ont tous un peu raison, bien que la balance penche davantage du côté de la ministre.

Pour bien comprendre, il faut savoir que la loi de finances adoptée fin février a attribué des crédits de paiements aux différents ministères pour qu’ils puissent remplir leurs missions et payer leurs engagements. Mais, le 25 avril 2025, un décret, signé par le Premier ministre François Bayrou et paru au Journal officiel, a annulé plus de trois millions de ces crédits, afin de faire des économies. Si l’on additionne toutes les sommes annulées dans les missions du ministère de la Culture – la création, le patrimoine, le livre et la presse – alors on constate que 114 millions de crédits de paiement ont été annulés. C’est cela qui inquiète les acteurs du secteur.

Contacté par franceinfo, le ministère de la Culture assure que ces 114 millions d’euros seront prélevés, non pas dans le budget réel du ministère, mais dans sa réserve de précaution. Il faut savoir que chaque année, une petite part du budget de chaque ministère est gelée, en quelque sorte, pour servir de réserve. Les ministères ne prévoient donc jamais de la dépenser. Cette réserve sert à finir de financer certains projets en fin d’année, qui auront coûté plus cher que prévu, ou à amortir des frais imprévus comme la hausse des tarifs de l’électricité après le début de la guerre en Ukraine. Mais une partie de cette réserve n’est pas utilisée et est reversée dans le budget général du gouvernement, permettant ainsi de contribuer à la réduction de la dette.

Un rapport, lié au décret d’annulation de crédit, publié au Journal officiel le même jour, confirme ce que maintient le ministère de la Culture. Dans ce rapport qui donne un cadre aux annulations prononcées par le Premier ministre, le ministère de l’Économie explique que « cet effort porte essentiellement sur les crédits hors masse salariale mis en réserve en début d’année ».

Il ajoute que « la mobilisation de ces crédits était exclue dès la programmation initiale de la dépense des ministères : ces annulations ne devraient ainsi pas remettre en cause de façon significative la capacité d’exécution des politiques publiques, selon les termes convenus dans la loi de finances initiale pour 2025. Par construction, ces crédits sont en effet réputés non programmés et disponibles pour contribuer à assurer en exécution le pilotage des dépenses du budget général telles qu’autorisées par le Parlement ».

Bercy promet qu’une « mise en réserve complémentaire, d’un montant comparable à la présente annulation, sera mise en œuvre pour reconstituer des marges de manœuvre visant à sécuriser le bon déroulement de la gestion budgétaire tout au long de l’année 2025 ».

Trois millions d’euros de moins dans le budget, selon les lois de finances initiales

Dans son interview, Rachida Dati continue et affirme, plus globalement, que « sur le budget 2025, il n’y a pas eu de baisse, il y a eu une augmentation ». Mais là, c’est trompeur.

D’abord, établissons les faits. La loi de finances pour l’année 2024 a fixé le budget de la Culture à 4,641 milliards d’euros pour ce qui concerne la création, le patrimoine ou encore les livres. Finalement, quelques mois plus tard, ce budget a été raboté de 204 millions d’euros, pour n’être plus que de 4,437 milliards d’euros.

Puis, le projet de loi de finances pour l’année 2025 prévoyait que ce budget soit de 4,642 milliards d’euros. Mais, finalement, la loi de finances pour l’année 2025, qui a été publiée au Journal officiel, a doté le ministère de 4,638 milliards d’euros pour la culture et les livres, soit un peu moins que prévu initialement.

Une fois cela établi, il y a deux façons de voir les choses. D’abord, celle du ministère de la Culture. Lui compare le budget de l’année 2024 tel qu’il a été finalisé – 4,437 milliards d’euros – au budget de l’année 2025 tel qu’il a été prévu dans le projet de loi de finances – 4,642 milliards d’euros. C’est ainsi que Rachida Dati peut se féliciter d’une hausse de budget d’environ 200 millions d’euros.

Mais, c’est comparer deux choses qui ne sont pas vraiment comparables, car rien n’exclut que le budget de la Culture ne soit raboté au cours de l’année 2025, comme l’a été celui de l’année 2024. Pour avoir une comparaison plus fiable et moins trompeuse, il faut comparer les budgets des deux années quand ils en sont au même stade. En l’occurrence, puisque l’année 2025 n’est pas encore écoulée et qu’on ne sait pas encore si le budget restera en l’état ou s’il changera, mieux vaut donc comparer les budgets tels qu’ils ont été validés dans les lois de finances initiales.

De ce point de vue là, le budget du ministère de la Culture a un petit peu baissé, de trois millions d’euros, puisqu’il est passé de 4,641 milliards d’euros dans la loi de finances initiale 2024 à 4,638 milliards d’euros dans la loi de finances initiale de 2025. Soit une légère baisse de 0,06%.



Auteur : podcast@radiofrance.com (Radio France)

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Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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