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La filière solaire défie l’État et le nucléaire

Le ministre n’est finalement pas descendu dans l’arène. Annoncé depuis des mois sur le programme du colloque national photovoltaïque, Marc Ferracci a seulement adressé un message en vidéo aux centaines de figures du milieu photovoltaïque réunies ce 20 mai à Bordeaux. Avec deux promesses : une sortie des énergies fossiles importées et une Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) avant la fin de l’été. Pas de quoi rassurer spécifiquement une filière en mal d’amour.

Objectifs revus à la baisse dans la prochaine PPE, achat-la-filiere-solaire-redoute-un-phenomene-d-emballement-mortifere-1018869.html »>baisse du tarif de rachat pour les installations en toiture, fin de l’obligation de solarisation pour les grands parkings : le temps se couvre pour le photovoltaïque en France, dans un domaine où beaucoup d’entreprises ont l’impression de revivre un moratoire. Dans cette morosité ambiante, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a choisi Bordeaux pour tenir son colloque national annuel dédié au secteur. Dans une ville devenue apôtre du solaire en toiture et dans une région qui domine la production, la filière veut ainsi retrouver un peu d’enthousiasme.

« Une ville où le solaire n’est pas considéré comme une énergie d’appoint », accueille le maire écologiste Pierre Hurmic, qui a lancé il y a un an l’appel de Bordeaux pour le solaire. La déclaration est loin de faire consensus désormais dans les politiques nationales, où cette énergie se voit soudainement reléguée. La France pourrait s’engager sur un objectif compris entre 60 et 90 GW à horizon 2035, contre 75 à 100 visés précédemment.

Comment l’énergie solaire est devenue la variable d’ajustement du gouvernement

Trop d’électricité ?

« Nous n’avons toujours pas de programmation énergétique alors que ça fait deux ans que l’on devrait en avoir une. L’absence de ligne claire de la part du gouvernement autorise toutes les divagations, martèle le président du SER, Jules Nyssen. Le solaire est le premier qui en souffre. Il y a urgence à offrir de la visibilité à tous les acteurs. »

Le document est pourtant déjà rédigé après avoir été mis en consultation mais il doit être débattu à travers une proposition de loi le 17 juin prochain à l’Assemblée nationale. « Oui la PPE est prête et elle conserve des objectifs ambitieux sur le photovoltaïque », assure Hermine Durand, sous-directrice énergies renouvelables à la Direction générale de l’énergie et du climat. Le SER lui se passerait bien d’un débat à l’Assemblée, influencée par des lobbys anti-renouvelables, et réclame une application par décret gouvernemental.

Les excédents de production électrique qui apparaissent depuis plusieurs mois sur le réseau français nourrissent de vives critiques. Panneaux solaires et éoliennes sont accusés de déstabiliser le réseau en injectant massivement de l’électricité à des heures où il n’y a pas assez de besoins. Ce qui contraint les centrales nucléaires à tourner au ralenti. En résumé, la France fait bien sa transition énergétique côté production, mais pas assez côté consommation. Alors, en attendant, les renouvelables sont priées de calmer le jeu.

La France à la traîne

« Certains pensent que le nucléaire est la bonne solution et que, pour le financer, il ne faut pas qu’il y ait trop de concurrence. C’est un raisonnement absurde : les nouvelles centrales n’entreront en service que dans 15 ans, dans le meilleur des cas. Avant, on aura quand même besoin d’avoir plus d’électricité, défend Jules Nyssen auprès de La Tribune. On a la chance de pouvoir disposer des deux énergies, renouvelables et nucléaire. Or, on fait face à un discours frontal de certains partisans du nucléaire qui disent que solaire et éolien désorganisent le réseau. »

La France produit trop d’électricité, au risque de faire sauter la banque

L’intégration des renouvelables pose effectivement de grands défis aux gestionnaires dans chaque pays. Pour répondre à la nouvelle donne électrique, la France va modifier les plages d’heures creuses, afin d’inciter à la consommation lors des pics de production. « Il va être temps de passer à une gestion différente des réseaux électriques que celle que l’on connaît aujourd’hui », appelle Gaëtan Masson, directeur général de l’Institut Becquerel, société de conseil et centre de recherche.

Et tandis que la France fait le yo-yo perpétuel sur le solaire et demeure en retard sur les objectifs européens en matière de renouvelables, les pays qui ne sont pas dotés de nucléaire avancent. Pour cinq gigawatts d’énergie photovoltaïque raccordés sur le sol tricolore en 2024, l’Espagne en a installé dix, l’Allemagne quinze. Au sommet du classement mondial, il y a la Chine, loin devant, et ses 329 nouveaux GW, selon un rapport de Solar Power Europe. Face à ceux qui veulent « tuer le solaire » comme le croit la filière, l’État français est prié de se positionner une bonne fois pour toutes.

Le solaire européen peut-il se sevrer de sa dépendance chinoise ?