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Arles : un projet immobilier de luxe chasse l’accueil des sans-abri du centre-ville

À Arles, une décision municipale fait scandale : la Ville projette de déplacer l’accueil de jour des sans-abri en pleine zone industrielle, loin du centre-ville, pour laisser champ libre à un promoteur immobilier privé. Reléguer ainsi les plus démunis à plus de 40 minutes du cœur de la ville – au Plan-du-Bourg, périphérie sud – afin de vendre le site qu’ils occupaient, soulève l’indignation générale. Ce choix, dicté par la vente de l’ancien collège Mistral au groupe privé « François Ier » qui refuse de maintenir l’accueil sur place, est dénoncé comme une trahison des principes de solidarité et une atteinte aux droits des plus vulnérables.

Un accueil de jour exilé en zone industrielle

L’accueil de jour du Centre communal d’action sociale (CCAS) d’Arles, qui accueille chaque matin une cinquantaine de personnes sans domicile (autour d’un café chaud et d’un lieu d’écoute), va être déménagé hors du centre-ville vers une zone industrielle difficile d’accès. Actuellement situé dans l’ancien collège Frédéric Mistral en plein centre, ce lieu offre aux sans-abri des services vitaux : petit-déjeuner, douches, laverie, consigne pour les affaires, adresse postale (domiciliation administrative), accompagnement social, permanences santé et accès au centre médico-psychologique. Le nouvel emplacement prévu, au 16 ter rue Gaspard-Monge (quartier du Plan-du-Bourg), se trouve en périphérie sud de la ville. Pour s’y rendre, il faudra traverser le pont enjambant la Nationale 113 et cheminer au milieu d’entrepôts et de routes peu accueillantes, aux trottoirs riquiquis, dans un paysage hostile aux piétons. En somme, un parcours du combattant pour des personnes déjà fragilisées. Cette zone excentrée, mal desservie (une seule ligne de bus passant environ une fois par heure) et éloignée de toute vie de quartier, va isoler davantage des individus en grande détresse.

Loin des services essentiels : atteinte aux droits des plus vulnérables

En repoussant ainsi l’accueil de jour à la périphérie, la municipalité porte atteinte aux droits fondamentaux des sans-abri. Être relogé si loin, c’est être coupé des services essentiels qui se concentrent au centre-ville : services administratifs, banques, Poste, aides alimentaires d’urgence, bénévoles et passants solidaires… Autant de ressources cruciales auxquelles les sans-abri accédaient plus facilement depuis un lieu central. Désormais, pour simplement toucher leur courrier ou rencontrer une assistante sociale, ces personnes en difficulté devront parcourir des kilomètres ou prendre un bus incertain – au risque de renoncer à l’aide proposée. « La position centrale est importante pour eux. Déménager en zone lointaine va nous rendre inaccessibles », alertait déjà Patrick Delplace, président de la Croix-Rouge arlésienne, quand son association a été expulsée du même site Mistral vers un local excentré. Privés d’un accès aisé à cet accueil de jour, les plus précaires d’Arles voient leurs droits à la dignité et à l’accompagnement bafoués par ce choix politique.

Immobilier de luxe : la solidarité sacrifiée sur l’autel du profit

Pourquoi un tel exil des sans-abri hors du centre ? Pour faire de la place à un projet immobilier de standing. La Ville d’Arles a en effet acté la cession de l’ancien collège Mistral au promoteur François 1er pour 3,9 millions d’euros, afin qu’il y réalise un programme immobilier mixte ambitieux – un projet vanté comme une « Cité de l’image et du vivant » mais dont la vocation première sera la vente de logements privés haut de gamme. La preuve ? Avant même la signature définitive de la vente, 15 appartements neufs issus de la future réhabilitation étaient déjà mis en vente sur internet. Les tarifs annoncés donnent le vertige : un studio de 34 m² affiché à 273 000 € (soit plus de 8 000 € le m²) ! C’est une fourchette de prix digne de Paris ou Nice, totalement hors d’atteinte pour la population locale – alors que dans ce même quartier le mètre carré tourne habituellement autour de 2 600 à 3 000 €. À Arles, ville classée parmi les plus pauvres de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (au coude-à-coude avec Marseille), qui peut s’offrir de tels logements si ce n’est une élite fortunée ou des investisseurs attirés par Airbnb ?

Ce contraste indécent révèle une politique urbaine à deux vitesses. D’un côté, la municipalité expulse les structures d’entraide du centre-ville au mépris des plus fragiles. De l’autre, elle déroule le tapis rouge aux promoteurs et à une clientèle aisée. Le projet « Mistral » prévoit ainsi de remplacer les 300 m² d’espace social de la Croix-Rouge par une brasserie chic de 210 m² avec terrasse. Tout un symbole : les locaux associatifs dédiés aux plus précaires cèdent la place à des commerces lucratifs destinés aux plus aisés. Sous la mandature du maire Patrick de Carolis, tous les équipements sociaux semblent avoir été chassés du centre historique. « Les bénéficiaires viennent de tous les quartiers de la ville… Déménager en zone nord va nous rendre inaccessibles », déplorait la Croix-Rouge lors de son propre relogement forcé. Aujourd’hui, c’est le cœur même de la solidarité arlésienne – l’accueil de jour du CCAS – qui est sacrifié sur l’autel du profit immobilier.

Des alternatives délibérément ignorées

Ce choix de relégation n’avait rien d’inéluctable : des alternatives existaient, mais ont été sciemment écartées par la municipalité. Les services du CCAS eux-mêmes avaient proposé une solution de rechange : déménager l’accueil de jour dans une maison inoccupée appartenant à la Ville, située à proximité du stade Fournier – un site bien plus proche du centre, donc plus accessible pour les usagers. Mieux, le Département avait proposé de financer l’aménagement de ce lieu. Pourtant, cette option raisonnable a été refusée en cours de route par la mairie. Officiellement, les élus affirment manquer de locaux adaptés en centre-ville : « Nous n’avons pas de locaux disponibles qui correspondent en termes d’espace et d’état », a déclaré une adjointe, prétextant qu’« si [elle] avait un hangar plus proche du centre, [elle] le donnerait tout de suite ». Des mots contredits par les faits, puisque un local municipal adéquat existait bel et bien mais n’a pas été retenu. Cette fin de non-recevoir traduit un manque de volonté politique d’étudier des solutions respectueuses des besoins des plus démunis. D’autres alternatives auraient pu être explorées – par exemple intégrer un espace d’accueil social au sein du nouveau projet immobilier lui-même, ou mobiliser un bâtiment vacant du centre-ville. Mais au lieu de cela, la priorité a été donnée à la « valorisation » financière du foncier de Mistral, au détriment de la mission sociale qui y était remplie depuis des années.

Le tollé des associations et des habitants

Face à cette situation, la réaction du tissu associatif, des citoyens et d’une partie du conseil municipal ne s’est pas faite attendre. Indignation, colère et incompréhension dominent. « Je trouve extrêmement choquant de vouloir cacher les plus démunis et les sans-abri, alors que d’autres solutions existaient », s’indigne Nicolas Koukas, conseiller municipal d’opposition, dans un message public cinglant. Jamais de mémoire d’Arlésien on n’avait vu un tel exil forcé des plus précaires hors de la ville. De nombreuses associations caritatives locales dénoncent une politique inhumaine qui consiste à “déplacer le problème” hors de la vue du centre touristique au lieu de le traiter. « Cacher les plus démunis, c’est renier notre ville », martèlent des citoyens indignés, rappelant qu’Arles, cité de culture et d’histoire, a aussi une tradition de solidarité à défendre. Plusieurs collectifs ont lancé des pétitions et des interpellations sur les réseaux sociaux pour exiger l’annulation du projet de déménagement. La décision municipale apparaît d’autant plus révoltante que le besoin d’aide sur Arles est criant : on compte des centaines de personnes en grande précarité, et l’accueil de jour du CCAS, unique en son genre, était un refuge au quotidien pour beaucoup d’entre elles. En le rendant quasi inatteignable, la Ville envoie un message désastreux. Mais la mobilisation s’organise : débats en conseil municipal houleux, courriers ouverts, rassemblements citoyens… L’affaire du “déplacement de l’accueil SDF” est en train de devenir un véritable cas d’école de justice sociale pour les Arlésiens.

Appel à l’action : M. le Maire, faites marche arrière !

Il est encore temps d’agir avant l’irréparable. Monsieur le Maire d’Arles, revenez sur cette décision indigne ! En persistant à éloigner l’accueil des sans-abri du centre-ville, vous abîmez le pacte social de notre cité et trahissez la devise républicaine de fraternité. Un véritable leadership humaniste exigerait au contraire de rapprocher l’aide de ceux qui en ont le plus besoin, pas de la cacher loin des regards. Les Arlésiens attachés à la justice sociale – nous les premiers – vous enjoignent de montrer courage et compassion en annulant ce projet de relocalisation absurde. Reconnaissez l’erreur, ouvrez le dialogue avec les associations et trouvez, ensemble, une solution respectueuse de la dignité humaine. Faute de quoi, c’est votre crédibilité qui s’effondrera. Une telle surdité aux appels citoyens serait non seulement immorale, mais aussi politiquement suicidaire : le mandat que les Arlésiens vous ont confié n’y survivrait pas. Ne laissez pas l’histoire retenir que sous votre mandature, Arles a abandonné ses plus fragiles. Le courage politique, c’est maintenant qu’il faut le prouver – en faisant marche arrière pour le bien de tous.

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Cédric Balcon-Hermand

Depuis 1998, l’association Artia13 agit pour la vérité, contre la manipulation, et pour une cybersphère sécurisée et citoyenne.

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