« Chez les libéraux ça va être catastrophique » : la condamnation d’une infirmière pour travail dissimulé inquiète la profession

Une infirmière du Calaisis a été condamnée pour travail dissimulé après avoir fait appel à la même remplaçante pendant des années. Une pratique pourtant répandue dans la profession. La décision suscite incompréhension et inquiétude chez les infirmiers libéraux.

Pour Simone, infirmière libérale dans le Calaisis, les journées sont particulièrement chargées. Au programme du jour, plusieurs dizaines de visites. La première se passe chez Edmonde, une patiente qu’elle a l’habitude de soigner.

Au gré des visites, une vraie relation de confiance s’est tissée entre les deux femmes. « On rentre dans l’intimité du patient, un patient qui est vulnérable de par son état de santé, son vieillissement. La confiance dans la relation soignant soigné, c’est l’élément numéro 1 à prendre en compte« , explique la soignante.

Malgré ces liens si particuliers, Simone n’est que remplaçante. Le Calaisis étant considéré comme surdoté en infirmières libérales, elle n’a pas le droit de s’installer à son compte pour l’instant. « Je fais toujours en fonction des habitudes de la collègue remplacée. Le but, ce n’est pas de perturber les habitudes des patients« , confie-t-elle entre deux visites.

L’infirmière remplaçante travaille régulièrement avec le même cabinet, mais cela pourrait lui porter préjudice. 5 mois de prison avec sursis et 393 000 euros d’amende ont été infligés à une autre infirmière calaisienne pour avoir été remplacée par la même personne pendant plusieurs années, au motif que cela s’apparentait à du travail dissimulé.

« Il y a une incohérence et une aberration, surtout quand on dit que c’est du travail dissimulé alors que, comme une infirmière titulaire, je paie mes charges et pas des moindres« , dénonce Simone. Ses patients aussi peinent à comprendre. « Si la remplaçante déclare bien ce qu’elle travaille à l’Urssaf, aux impôts, il est où le problème ?« 

Infirmière libérale titulaire, Amande pense que cette décision de justice « ne changera pas [les] habitudes« , parce que les infirmières sont « obligées de continuer comme ça« .

Malgré tout, cette décision inquiète. « Si cette affaire fait jurisprudence, ça va avoir l’effet d’une bombe« , pointe Lucie Cape, infirmière libérale et représentante syndicale de Convergence Infirmière. « Chez les libéraux ça va être catastrophique, ça veut dire qu’on va devoir changer de remplaçante tous les mois« .

L’infirmière condamnée a fait appel et pourra à nouveau se défendre devant le tribunal de Boulogne sur mer.

Avec Thomas Millot et Flavien Bellouti